Le monde enchanté de François Hollande

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Par Jérôme Gleizes

Avec François Hollande, nous sommes dans la pensée magique, celle qui provoque les catastrophes politiques comme lors des années 1920. Après avoir découvert la croissance performative où la seule énonciation de celle-ci suffit à sa réalisation, il vient d’inventer la génération spontanée de capital en réhabilitant la loi de Say dans sa conférence de presse du 14 janvier : « L’offre crée sa demande ». Or, une politique conjoncturelle de l’offre, ni d’ailleurs de la demande, ne peut réussir s’il n’existe pas une production potentielle préalable et des capacités de production inutilisées. Ne pas comprendre que cette crise est structurelle est une faute politique, aux conséquences délétères. Jouer sur les mécanismes de prix comme le fait le gouvernement depuis 2012 ne sortira pas l’économie française de l’impasse. La production industrielle ne repartira pas, le chômage ne baissera pas car l’investissement est au plus bas depuis 2005.

La désindustrialisation s’accélère depuis 2008 (2). La France est devenue un des pays les moins industrialisés d’Europe. Le décrochage de la France est inéluctable si aucune politique structurelle n’est mise en place. L’emploi manufacturier est ainsi passé de 5,1 millions en 1980 à un peu moins de 2,9 millions. Le solde extérieur manufacturier a été structurellement excédentaire jusqu’au début du XXIe siècle. Mais, depuis les erreurs industrielles et les mauvais choix politiques s’accumulent comme dans le secteur automobile (absence de montée en gamme) : faiblesse de l’investissement, notamment dans la R&D, soutien au nucléaire, à la finance et à la grande distribution, faible aide aux universités…

Le mirage immobilier : Si la France ne décroche pas, c’est grâce à l’immobilier dont la valeur continue de progresser au détriment du capital industriel (3). Cela crée un paradoxe qui agit comme une épée de Damoclès : sa valeur élevée permet de maintenir un certain niveau de richesse, rendant problématique l’accès au logement pour les classes populaires (4). Mais l’éclatement de la bulle immobilière pourrait entraîner la France dans une dépression économique et produire un cocktail explosif. Cette politique de l’offre (favorisant les classes possédantes) sans croissance creuse les inégalités de revenus et de patrimoine, lesquelles ne permettent pas de relancer l’investissement et surtout de financer la transition écologique.

À ce stade, cette politique est plus qu’irrationnelle. La fuite en avant de Hollande, reniant ses position de 2012, est irresponsable et scandaleuse selon Paul Krugman. Avec la référence à Say, elle marque une défaite de la pensée de deux siècles, reniant autant les apports de Keynes, Kalecki que ceux de Smith, Ricardo, Marx (4), pour lesquels il ne peut y avoir d’économie sans production. Au lieu de favoriser le capitalisme financier, les services (avec le CICE), la non-séparation des activités bancaires et spéculatives, le gouvernement devrait favoriser l’investissement productif. (5) La crise actuelle est une faillite du mode de production, nécessitant de mettre en place une économie circulaire et de la fonctionnalité. Faute de quoi l’épuisement des ressources naturelles et les changements climatiques nous entraîneront dans une crise de civilisation. (6)

Source Politis 14/02/2014

 

(1) En référence au livre d’Alain Lipietz, le monde enchantée de la valeur où il développe une analyse de la valeur en rupture avec l’économie vulgaire et le fétichisme de la marchandise où l’apparence cache les rapports sociaux sous-jacents.

(2)Sauf dans l’industrie agro-alimentaire, la pharmacie et deux autres secteurs.

(3) Lire « Le capital au XXIe siècle » de Thomas Piketty (Le Seuil) et les tableaux

(4) Voir Xavier Timbeau, « Les bulles « robustes » : pourquoi il faut construire des logements en région parisienne » http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/12-128.pdf

(5) Au lieu de faire de l’économie vulgaire, un conseil de lecture, Laurent Cordonnier, « L’économie des Toambapiks », Raison d’Agir

(6) « Une lecture écologiste de la crise, la première crise socio-écologique du capitalisme », Ecorev’ n°33

Voir aussi : Rubrique Actualité France, rubrique Politique économiqueLe changement c’est maintenant, rubrique Finance, rubrique UE, rubrique Livre, Thomas Piketty : Un capital moderne, rubrique Société La guerre des riches commence au Fouquet ,