Dans un communiqué, la rapporteure du groupe communiste, républicain, citoyen (CRC), Brigitte Gonthier-Maurin, parle d’« omerta » à la suite de ce rejet. Elle rappelle que le CIR est de plus en plus perçu « comme un simple outil d’optimisation fiscale et de réduction de l’impôt sur les sociétés pour les grands groupes du CAC 40 qui, en volume, en sont les premiers bénéficiaires ». Et elle regrette que « la majorité des membres de la commission d’enquête, dont des sénateurs des groupes LR, UDI et PS, prennent la responsabilité de tourner le dos à des propositions qui auraient au moins permis de garantir l’efficience du CIR ».
Un outil attractif pour le pays
L’épisode vient rappeler que le CIR cristallise depuis quelques années les mécontentements d’une partie des acteurs du système de recherche et d’enseignement supérieur, pour qui cette baisse des rentrées fiscales se fait au détriment des moyens de recherche publique, sans être plus efficace pour son pendant privé. A l’inverse, les gouvernements de droite comme de gauche, considère l’outil comme attractif pour le pays. La France est d’ailleurs presque championne du monde en la matière : cette niche fiscale représente quelque 0,25 % du PIB. Cependant, l’Allemagne ou la Suisse, dont l’effort global de R&D rapporté au PIB est supérieur, n’ont quasiment pas d’aides indirectes sous cette forme (préférant les dispositifs d’aides directes). Ce rapport sénatorial, visiblement critique, n’est pourtant pas le premier du genre. En juillet 2013 par exemple, la Cour des comptes avait noté quelques carences du dispositif.
Plusieurs travaux d’économistes, dont certains avaient été auditionnés par la commission d’enquête, ont évalué l’effet de cet instrument sur les dépenses de R&D des entreprises. L’effet levier, c’est-à-dire la quantité d’euros investis par les entreprises lorsqu’elles reçoivent 1 euro de l’Etat, ne fait pas consensus mais il est proche de 1. « Certes, l’effet levier n’est pas gigantesque, entre 0,8 et 1,1, mais même inférieur à 1, l’effet est intéressant car l’entreprise a quand même consenti un investissement en R&D dont on connaît l’effet global positif pour la société », rappelle Stéphane Lhuillery, professeur à ICN Business School, auteur d’une de ces études d’évaluation.
Le ministère de la recherche a souvent souligné l’effet « anti-crise » de cet instrument : en son absence, le désinvestissement en R&D aurait été important.
« J’ai accueilli ce rejet avec une certaine consternation. C’est assez incompréhensible et témoigne d’une certaine nervosité sur ces questions, estime Patrick Lemaire, coprésident de l’association, qui avait également été auditionné par la commission. Il y a un consensus fort au sein des partis majeurs pour défendre coûte que coûte une décision politique, quelles que soient les preuves qui s’accumulent contre elle, et sans même chercher à utiliser ces preuves pour améliorer le dispositif. »
« Le rapport ne proposait pas une rupture franche avec le CIR. Il identifiait des questionnements sur l’éligibilité des dépenses, la faiblesse des contrôles, la rémunération des cabinets de conseil… Il faut affronter ces interrogations pour améliorer le dispositif », estime Brigitte Gonthier-Maurin. « Ce rejet risque de créer en fait de l’instabilité pour le CIR. »
Le président de la Commission, Francis Delattre (Les Républicains), a répondu dans un communiqué que le rejet était lie « à un raport globalement à charge contre le dispositif. »
Il regrette également que, dans le rapport, « le contenu des auditions favorables au dispositif (…) est systématiquement altéré soit par des statistiques venues d’ailleurs ou des commentaires hostiles émanant de groupements minoritaires. »
Selon lui, « il est préférable d’assurer une longévité et une visibilité aux entreprises sur un dispositif qui, par effet de levier, a démultiplié les financements que les entreprises consacrent à la R&D. » Au téléphone, il ajoute que son groupe parlementaire entend déposer des amendements, notamment lors de la prochaine discussion budgétaire, pour améliorer le CIR.