Mircea Cartarescu sur la chute de la dictature roumaine en 1989

Dans le quotidien Evenimentul Zilei, l’écrivain Mircea Cartarescu se souvient de la chute de la dictature communiste en 1989 en Roumanie et tire un bilan critique de la situation :

« La révolution nous a pris par surprise et nous y avons cru. Quand on se trouve dans la foule parmi un million de gens et que l’on s’embrasse et que l’on pleure de joie, alors on ne se pose plus la question de savoir qui a appelé à ce rassemblement et pour quelles raisons.

Environ 1 000 personnes ont été tuées [par les forces de l’ordre]. Puis ce fut le tour [du chef d’Etat communiste Nicolae] Ceau?escu dont nous pensions jusqu’alors qu’il était immortel. Tout cela est passé à la télévision. … Et bien que tout ait été évident, l’impact simple et les décors bon marché … nous avons cru tout éveillés à ce rêve. La révolution était un feuilleton, notre illusion douceâtre. ..

En 1990 nous sommes arrivés dans un monde libre et dans une démocratie. Mais nous ne savions pas ce qu’est la liberté et la démocratie. Après 50 ans de dictature fasciste et communiste nous n’étions même plus un peuple, même plus une société. Nous étions un troupeau. A l’époque on nous a menti, maintenant on nous ment. Dans le passé nous étions pauvres, maintenant nous sommes encore plus pauvres. »

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L’odyssée de Claudio Magris

La puissance du fleuve lutte contre l’oubli du temps.

Le Parlemant Winter

Le Parlemant Winter

Un itinéraire initiatique dans un univers transcendant, Claudio Magris signe avec Danube un livre d’ampleur sur la nature des choses. L’auteur italien plonge dans le long cours du fleuve insouciant de l’histoire et de la modernité. Au fil du courant, de ses formes, de ses détours, il donne à sentir toute la fécondité de cette eau « innocente et mensongère ». L’ouvrage en retrace les péripéties. Il est question de lieu, d’espace, de temps, de culture et d’histoire que l’érudit fidèle fait resurgir avec respect. L’évocation des paysages débouche sur une galerie de grands portraits des lettres et de la pensée qui ont modelé le destin des européens. « La vie est un voyage et nous ne sommes sur terre que des hôtes de passage ». Claudio cède à la tentation d’un voyage infini qu’il sait balisé par le cours du fleuve, ce qui lui permet de jouir d’une immense liberté. On remonte aux sources dont l’origine se discute encore. Quelque part dans la Forêt Noire, l’eau sort de terre dans un petit creux de coteau mais  le fondement de sa grande histoire fait encore défaut. On s’aperçoit « que la réalité tout entière ne se rattache à rien ». Derrière le rideau de feuillage, se révèle la culture des hommes, leurs rivalités resurgissent telle la défiance symbolique du Danube et du Rhin. « Le Rhin c’est Siegfried, la pureté germanique, l’héroïsme chevaleresque et l’impavide fatalisme allemand. Le Danube, c’est la Pannonie, le royaume d’Attila, c’est l’Orient, l’Asie qui déferle et détruit.Le livre est une odyssée de l’esprit qui dérive et résonne avec une force narrative magistrale. « Le Danube coule, large, et le vent du soir passe sur les terrasses en plein air des cafés, comme la respiration d’une vieille Europe qui se trouve peut-être aux franges du monde et ne produit plus de l’histoire, mais se contente d’en consommer, à l’image de Françoise, qui en ce moment approche sa belle bouche d’une glace… »

Jean-Marie Dinh

Claudios Magris Danube éditions Gallimard

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