Quand
Catherine Hennion La Naissance du théâtre moderne à Tôkyô, éditions L’Entretemps, 30 euros
Voir aussi : rubrique Japon, Musique, Expression Nô à l’Opéra, Danse La danse des ténèbres, Saburo Teshigawara physique et spirituel,
Quand
Catherine Hennion La Naissance du théâtre moderne à Tôkyô, éditions L’Entretemps, 30 euros
Voir aussi : rubrique Japon, Musique, Expression Nô à l’Opéra, Danse La danse des ténèbres, Saburo Teshigawara physique et spirituel,
Cette
L’intention dramatique
Dans l’introduction Paul Fournel souligne l’aspect mystérieux et nomade de ces personnages légendaires : « L’origine des marionnettes se perd dans la pénombre des rituels et le chaos des vies nomades. Les marionnettes ont été de toutes les croyances et de tous les voyages. Elles ont suivi en charrette ou en malle les voies des hommes et du commerce, elles se sont arrêtées en route, se sont implantées, se sont transformées, se sont adaptées, sont reparties vers de nouvelles aventures, ont exploré tous les Orients et tous les Occidents, portant d’ici à là une mémoire des drames, un récit des grandeurs et des petitesses que les hommes ont en partage. Elles se sont voulu anciennes, se revendiquent modernes. Il n’est pas surprenant dès lors de les découvrir si diverses, si contradictoires, si complexes et si simples à la fois, mélanges hasardeux de conformisme et de singularité, de tradition et d’innovation. Elles vivent d’une vie manifeste qui est celle des hommes qui les animent et d’une vie secrète qui est la leur. Elles parcourent un voyage mystérieux qui ne se confond pas avec celui des hommes, comme si elles volaient à leur profit un souffle de la vie que ceux-ci leur insufflent. Pour tenter de les suivre, partons d’une définition qui pourrait les englober toutes et disons que la marionnette est un objet animé avec une intention dramatique. Désarticulons cette définition pour mieux la reconstruire avant que d’en jouer. Imitons en cela le maître du Bunraku japonais (Omo-zukai) qui avant chaque représentation démonte sa marionnette et la remonte à gestes mesurés, redonnant forme à son corps cependant qu’il se concentre sur son âme, celle-là même qu’il devra offrir au public par la perfection mystique de sa manipulation. »
Les milles articles classés par ordre alphabétique recoupent un classement par ordre géographique permettant une libre circulation dans les champs historiques culturels et techniques. Ce livre richement illustré captivera les professionnels du monde entier mais aussi les nombreux spectateurs amateurs captivés par la magie d’un soir.
Encyclopédie de la Marionnette Editions de l’Entretemps et l’Union internationale de la marionnette 864 p, 80 euros
Scène.
S’attaquer à la danse des ténèbres suppose que l’on soit prêt à ne pas en ressortir indemne. Ce qui vaut pour les artistes, le danseur chorégraphe Boris Charmatz (légèrement blessé au cours de la représentation) et la comédienne Jeanne Balibar, vaut évidemment pour les spectateurs. Ceci pour préciser aux déçus que l’on n’entre pas sur le territoire de l’angoisse de Tatsumi comme sur le plateau de Michel Drucker.
Le chorégraphe Charmatz considère l’aboutissement de ce travail comme un réceptacle contemporain et éphémère de l’œuvre de Tatsumi Hijikata. Particulièrement de ses écrits : » Nous ne ferons pas du Butô (1) à partir de ces textes hallucinants, car il portent déjà le Butô en eux « , indique le chorégraphe dans une note d’intention où il abdique son pouvoir de metteur en scène. Dans ce spectacle de l’opposition, il n’y a pas de différence fondamentale entre danse et théâtre. Les fils conducteurs sont abandonnés dès le début, on allume la mèche. Les deux acteurs danseurs épousent les déplacements imprévisibles d’une camionnette télécommandée qui fragmente l’espace, éblouit et envoie des images. A cela s’ajoute la puissance poussée du texte qui est proprement (ou salement) renversant, et en même temps, totalement libérateur.
Tout diverge, la fonction de signification scénique est détournée. Ce désancrage des codes et des corps laisse apparaître une forme de plaisir. Les danseurs perdent le sens de l’espace à la recherche d’un équilibre qui ne s’oriente pas vers la virtuosité mais vers l’extra quotidien. Affranchis des conventions Charmatz et Balibar s’abreuvent à la source créatrice empoisonnée dans un pacte quasi faustien avec l’esprit post-atomique de Hijikata. » La danse – disait celui-ci – est un cadavre qui bondit de toutes ses forces. » Le prix de cette liberté esthétique que l’on retrouve dans le bushido (2) exige de ses pratiquants d’être au présent y compris par rapport à leur propre mort, comme s’ils n’étaient déjà plus de ce monde. L’énergie surgit alors dans leurs corps, l’enrichit et la transforme en mouvement.
Jean-Marie dinh
(1) Inspiré de l’expressionnisme Allemand le Butô naît après la seconde guerre en réaction à l’occidentalisation du Japon. Il exprime aussi la douleur et le vide après le drame nucléaire et la capitulation total du pays.
(2) Bushido est le code des principes moraux auquel les samouraïs vouaient leur vie.
Voir aussi : Rubrique Japon De Goldorak à la cérémonie du thé, Musique, Expression Nô à l’Opéra, Danse, Saburo Teshigawara physique et spirituel, Livre La naissance du théâtre moderne,
Le
La metteuse en scène Gisèle Sallin opère un travail juste, restant fidèle au texte. Simple et subtile, la féminité souvent discrète ou hyper affirmée dans la tragédie antique, dévoile un autre monde, et cette autre réalité affirme sa puissance. « La remise en question des dieux et l’affirmation de la suprématie de l’amour humain sur la fatalité sont plus que nécessaires et font gravement défaut dans le théâtre moderne » souligne Gisèle Sallin.
Nancy Huston conserve les événements déroulés par Sophocle, mais déplace le regard en sortant Jocaste de deux mille ans d’oubli. Dans une toute autre démesure que celle d’Oedipe, on suit le vertige de la reine en tant que femme, mère, et amante. Le pari de conserver le cadre en déplaçant l’angle de vue fonctionne. Sur scène l’unité de jeu est au rendez-vous. Jocaste Reine donne le pendant à Œdipe Roi ouvrant sur une approche féminine du mythe ; dans le rapport de Jocaste aux autres, à la liberté, à l’éducation et à la violence des hommes. Jocaste exècre les oracles qui appuient leurs pouvoirs sur la crédulité humaine. A travers le Coryphée qui fait pont avec notre époque, Nancy Huston bouscule aussi le mythe freudien. Pour la petite histoire, le roi de la psychanalyse rebaptisa sa femme Anna Antigone…
Jean-Marie Dinh
Le texte de Nancy Huston vient de paraître chez Actes Sud.
Quand
Qui n’a jamais rêvé de jeter son père par la fenêtre ? De tuer sa mère après l’avoir entendue pour la dernière fois vous ressasser les lignes morales de la conduite à suivre ? Roberto Zucco l’a fait à quinze ans. Ce sont ses premières victimes. Actes irréparables que les faits diversiers, gardiens de l’ordre adjoints, se plaisent à traduire comme de la violence inhumaine à grand coup de manchettes sur l’ennemi public numéro un. Acte fondateur pour un Koltès qui tombe en fin de vie sur un avis de recherche de l’assassin placardé dans le métro. « Je trouve que c’est une trajectoire d’un héros antique absolument prodigieuse », dira l’auteur qui suit le parcours de Roberto dans les détails jusqu’à son suicide dans un hôpital psychiatrique dans les mêmes conditions que son père.
Le mythe est là. Fasciné par le personnage, Koltès s’en saisit. La pièce sera créée à Berlin en 1990, un an après le décès de l’écrivain, mort du sida en avril 1989. En France la représentation sera interdite à Chambéry. Le vrai Roberto Succo ayant tué un policier originaire de cette ville.
Théâtre de révolte humaine
La mise en scène de Christophe Perton conjugue la transparence de l’intrigue et la complexité d’un développement intérieur plus abstrait. Elle saisit toute l’authenticité et la poétique de l’œuvre. Celle d’un personnage étranger à lui-même comme le suggère dès le départ l’extrait de America América d’Elia Kazan où un jeune Grec quitte sa terre natale devenue hostile pour le Nouveau monde. Roberto Zucco ne parle pas de lui. C’est un homme seul et sauvage qui défie le monde et brise les vies au gré des désirs pervers et contradictoires qui le mènent. Entre fulgurance et retenue, Olivier Werner ( Zucco) trouve le ton juste face au sincère désarroi… des autres.
Perton inclut sa matière humaine dans le petit théâtre de music hall qui tient lieu de décor. Les 18 comédiens sont là dès le début. Ils s’animent pour répondre à la convocation du destin, meurent et renaissent sur le plateau. La vitalité radicale et la puissance d’attraction de Zucco propulse une dynamique relationnelle inusitée. Comme elle renverse les thèmes et les commandements du christianisme. La limpidité du texte ouvre sur l’omniprésence du sacré dissimulé mais cependant perceptible. La scène solaire finale donne lumineusement le pendant au film de Kazan à travers la curieuse solidarité spirituelle des grands voyageurs.
Un voyage sans fard au cœur de l’humain, hautement conseillé, à ne pas situer sous le signe du déchirement ou de la culpabilité mais sous celui de la révélation. Le travail de Christophe Perton et la remarquable et subtile distribution restituent toute la richesse de l’œuvre en nous rappelant une évidence : l’être humain ne s’appartient pas.
Jean-Marie Dinh
Au Théâtre des Treize Vents