La gestion Guérini : Des Bouches à incendie pour le PS

Jean Noel Guerini à Marseille. Reuter Jean-Paul Pelissier.

Sale histoire et mauvais tempo. Un an après la campagne des régionales polluée par les dérapages nauséabonds de feu Georges Frêche le féodal languedocien, voilà Martine Aubry aux prises avec une nouvelle affaire de potentat local, cette fois à Marseille. «Montebourg balance une grenade sur le parti à quinze jours des cantonales», s’étranglait hier un proche de la première secrétaire du PS. Et ça fait un gros boum.

Dans un rapport «confidentiel» daté du 8 décembre sur «les pratiques de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône» révélé mercredi par Lepoint.fr, Arnaud Montebourg, secrétaire national à la rénovation et candidat à la primaire socialiste, dresse un réquisitoire contre Jean-Noël Guérini, homme fort des Bouches-du-Rhône, à la fois président du conseil général et «président autoproclamé» de la fédération socialiste «en violation des statuts» du parti.

Montebourg met en cause «un système de pression féodal reposant sur l’intimidation et la peur» et qualifie le conseil général «d’instrument clientéliste» pour «asseoir sans partage le pouvoir de son président».«Le contrôle sans limite de Jean-Noël Guérini sur le parti s’exerce par la mise en place systématique à la direction des sections marseillaises d’employés du conseil général» dans «13 des 18 secteurs marseillais».

Déflagration. Le député de Saône-et-Loire fait état de «menaces physiques et d’intimidations» subies par un «élu résistant aux méthodes du président». Et demande à Martine Aubry «la mise sous tutelle de la fédération du PS» et «la destitution» de son patron. Guérini a riposté, hier, en annonçant qu’il portait plainte pour diffamation contre Montebourg. Jean-David Ciot, premier secrétaire fédéral, lui a emboîté le pas, accusant en sus le député de Saône-et-Loire de «collusion avec la droite».

Rue de Solférino, on appliquait hier la stratégie de l’édredon. Objectif : limiter la déflagration, alors que la première secrétaire s’évertue à mobiliser les cadres et les militants en faisant le tour des cantons et vient de préfacer un ouvrage d’intellectuels Pour changer de civilisation, premier étage de la fusée du projet pour 2012 lancée début avril. «Il n’y a pas d’éléments précis dans ce rapport, avait réagi mercredi Martine Aubry. Il faut laisser la justice faire son travail.» Hier, François Lamy, son premier lieutenant, déminait. «Dans le Languedoc, on a réagi. Là il n’y a rien, aucun témoignage ni document. C’est du déclamatoire. Les comptes et les fichiers de la fédération ont été expertisés comme ailleurs. Ils ne posent pas de problème.»

«Mousser». A Marseille comme à la direction parisienne du PS, on accuse Montebourg «d’avoir fuité cette affaire pour se faire mousser» et relancer sa candidature à la primaire. Ce dernier reconnaît que la publication de son rapport «ne tombe pas à la bonne date».«Le problème, ce n’est pas la fuite mais ce qu’il y a dedans. On a mis Frêche sous tutelle pour 40 fois moins grave», explique son entourage. Côté Aubry, on assure n’avoir reçu le rapport que la semaine dernière. Chez Montebourg, on affirme que la première secrétaire était saisie de l’affaire depuis la mi-novembre et a fait l’autruche. «Un secrétaire national à la rénovation qui découvre de telles pratiques et se tairait serait fautif !» s’exclame Arnaud Montebourg.

Matthieu Ecoiffier

Vaguelettes au PS

La secousse provoquée par le rapport d’Arnaud Montebourg sur la fédération PS des Bouches-du-Rhône commence à faire bouger certains socialistes. Si la direction du parti continue de laisser filer une polémique dont elle se serait bien passée à deux semaines des élections cantonales, des voix s’élèvent pour demander de ne pas laisser s’enkyster l’affaire.

Ainsi, «compte tenu du climat délétère», le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, propose la création d’un «collège constitué de personnalités incontestables» pour «rendre compte de la situation» dans la fédération dirigée par Jean-Noël Guérini, également président du conseil général des Bouches-du-Rhône – ce que les statuts du PS interdisent. «On ne peut pas rester inerte face à cette situation», alerte le chef des députés PS. Avant lui, Malek Boutih avait demandé, vendredi matin sur France Inter, la création d’une «commission d’enquête sur ce qui se passe dans les Bouches-du-Rhône».

«Féodal». Dans son rapport révélé cette semaine par Lepoint.fr, Montebourg dénonce un «système de pression féodal». Le député de Saône-et-Loire accuse aussi le conseil général des Bouches-du-Rhône d’être un «instrument clientéliste» pour «asseoir sans partage le pouvoir de son président». Il réclame une mise sous tutelle de la fédération et la «destitution» de Jean-Noël Guérini, dont le frère est mis en examen et incarcéré depuis le 1er décembre pour soupçons de malversations touchant à des marchés publics.

En déplacement à Nantes, Ségolène Royal a remis la tunique de chevalière blanche qu’elle affectionne : «Le Parti socialiste doit être exemplaire si nous voulons bâtir une société de la transparence, de l’équité, de la fraternité.»«Le PS doit bâtir une société basée sur la démocratie, la justice et les valeurs morales», a poursuivi la présidente de la région Poitou-Charentes.

Chez les proches de François Hollande, on s’est mis doucement en marche, par la voix de Stéphane Le Foll : «Arnaud Montebourg pointe un certain nombre de problèmes que nous avons pointés dès le départ. Dans les statuts du Parti socialiste, on ne peut pas être président du conseil général et premier secrétaire fédéral.»

Et à la direction ? Circulez, on ne bouge pas. Le rapport Montebourg ne comporte que «des affirmations»,«des allégations»,«des impressions personnelles», pour Harlem Désir. «Depuis que Martine Aubry est arrivée, poursuit le numéro 2 du PS, les fichiers d’adhérents ont été nettoyés. […] 50 000 noms de personnes qui ne renouvelaient pas leurs cotisations ont été rayés des listes. Très honnêtement, on a beau être candidat aux primaires, […] ça ne veut pas dire que tout est permis.» Même le strauss-kahnien Pierre Moscovici s’est mis au diapason de la direction. Pour le député du Doubs, ces accusations «ne reposent sur rien. Je crois que Montebourg fait de la politique».

Soucis.«Ce n’est pas le fonctionnement d’Arnaud de faire campagne comme ça, rétorque-t-on dans l’entourage du candidat à la primaire. Toutes les semaines, il fait au moins un déplacement, les thèmes qu’il porte et les sondages progressent… On regrette que ce rapport sorte maintenant. Il n’était pas fait pour être publié. Le Point nous met dans la merde. Mais maintenant, ce rapport existe, il faut en faire quelque chose.»

Prenant exemple sur les soucis de la direction PS avec la fédération de l’Hérault et Georges Frêche, les proches d’Arnaud Montebourg mettent en garde : «A ne pas traiter cette question, elle va nous poursuivre jusqu’à la présidentielle.»

Lilian Alemagna

Guerini demande un audit à Aubry

Dans un courrier adressé à Martine Aubry, première secrétaire du PS, Jean-Noël Guérini, premier secrétaire fédéral demande qu’un « un audit spécifique de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône soit réalisé, dans le cadre des statuts du parti socialiste ».

Dans un communiqué PS local dit vouloir « jouer la transparence » et ainsi « mettre un terme aux rumeurs mensongères et malveillantes relayées par la presse à la suite de la publication d’un pseudo-rapport rédigé par Arnaud Montebourg »

Il rappelle que « Deux plaintes en diffamation ont été déposées contre l’auteur de ce rapport : l’une au nom de Jean Noël Guérini, l’autre au nom de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône »

Invité de France inter, Malek Boutih membre du bureau national du PS demandait pour sa part la mise en place d’une « commission d’enquête »‘à la première secrétaire du PS.

AFP 04/03/11

Le PS se résout à enquêter

Le secrétaire national chargé de la rénovation, Arnaud Montebourg, qui a mis le feu aux poudres avec un rapport interne publié par Le Point la semaine dernière, a maintenu ses accusations dans une lettre adressée au Premier secrétaire du PS Martine Aubry qu’il publie sur son blog.

Il y dit détenir des « éléments de preuves précis et concordants » de ce qu’il avance et accuse Martine Aubry et son entourage de faire régner « la loi du silence » au PS. La commission d’enquête « vient bien tard mais je lui destinerai mes informations si elle est composée de personnalités indépendantes », écrit-il.

La création d’une commission d’enquête était réclamée par le chef du PS local, Jean-Noël Guérini, gravement mis en cause par le rapport Montebourg.La commission, qui sera formée dans les jours qui viennent, devra rendre ses conclusions avant l’été, a précisé lundi le porte-parole du PS, Benoît Hamon, lors d’un point de presse.

En tout état de cause, le PS doit agir vite pour ne pas risquer de voir ses primaires présidentielles, prévues en octobre, entachées des mêmes soupçons de fraude qui avaient terni le congrès de Reims où, fin 2008, Martine Aubry avait emporté la direction du parti d’un cheveu sur Ségolène Royal.

Toute commission d’enquête doit faire l’objet d’un vote du Bureau national, l’exécutif du parti. Elles sont composées au prorata des courants internes du PS. « Puisqu’il y a un doute, pour qu’il n’y en ait plus cette commission sera réunie et investiguera » dans la fédération des Bouches-du-Rhône, l’une des plus importantes de France, derrière le Pas-de-Calais et Paris, a dit Benoît Hamon lors d’un point de presse. « Notre main ne tremblera pas mais (nous agirons) à partir de faits et seulement de faits (…) On ne peut pas fonder des mesures de suspension à partir de témoignages et de on-dit », a ajouté le porte-parole.

Dans son rapport, Arnaud Montebourg réclame la destitution de Jean-Noël Guérini et la mise sous tutelle de la fédération. Il dénonce un « système de domination sans limite » et de « clientélisme féodal » entourant le président du conseil général des Bouches-du-Rhône, dont le frère, Alexandre, est incarcéré depuis décembre dans le cadre d’une enquête sur les marchés publics du département.

Dans sa lettre à Martine Aubry, le secrétaire national du PS dit tenir à sa disposition « des éléments de preuves précis et concordants » et réaffirme qu’il lui a fait porter son rapport début décembre alors que le premier secrétaire assure ne l’avoir reçu que ces derniers jours. « Tes collaborateurs zélés ont depuis le mois de décembre commis l’erreur dans cette grave affaire de nous emmener sur le terrain de la loi du silence », écrit Arnaud Montebourg.

Pour nombre de dirigeants socialistes, le secrétaire à la rénovation a fait son « chevalier blanc » au détriment du jeu collectif. « Il a un parti idéal dans la tête et voudrait faire table rase de tout le reste mais nous avons des statuts qu’il faut respecter », explique Pascale Boistard, secrétaire nationale aux adhésions.

Mais les proches de deux présidentiables, François Hollande et Ségolène Royal, ont réclamé à leur tour que la lumière soit faite sur les agissements de la fédération des Bouches-du-Rhône.

Alors qu’on l’accuse de tirer contre son camp en alimentant les divisions internes à quelques jours des élections cantonales, il se défend d’avoir fait fuiter son rapport et déplore une publication « malheureuse et inappropriée ». « Je n’ai pas voulu être lâche en fermant les yeux (…) et je ne souhaite pas que le parti dont je suis un des leaders soit fait de ce triste bois-là », souligne Arnaud Montebourg, qui appelle à un PS « nouveau et débarrassé de ses compromissions ».

Laure Bretton Reuter 07/03/11

Repères

La fédération des Bouches-du-Rhône a longtemps été la plus importante du PS, après celle du Pas-de-Calais. Elle perd de son influence après la mort de Gaston Defferre, maire de Marseille de 1953 à 1986, qui ouvre une lutte fratricide entre Michel Pezet et Robert Vigouroux. Le PS perd la mairie de Marseille en 1995. En 2008, au congrès de Reims, la fédération a soutenu à 72,5 % Ségolène Royal.

Alexandre Guérini (52 ans), entrepreneur spécialisé dans les déchets publics et le plus jeune des deux frères, est très brut de décoffrage. Il menace, traite ses interlocuteurs de «p’tit pédé», «gros enculé», ou «tapette». Tête brûlée, il n’est pas toujours prudent. Un jour, il évoque au téléphone l’enquête en cours. A l’autre bout, son frère le reprend : «Parlu corsu, enfin  !» Comme si ça suffisait pour ne plus être compris. Il était sous écoute. Les enquêteurs ont traduit et bien rigolé. Mis en examen, Alexandre Guérini est incarcéré depuis le 1er décembre. photo claude almodovar . fedephoto

«J’ai constaté qu’il y avait des dysfonctionnements dans la fédération. A partir du moment où je constate, j’en fais part à la direction et c’est à la direction de s’en emparer.»

Arnaud Montebourg député et dirigeant du PS

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C’est le nombre d’adhérents à jour de cotisation que comptait la fédération PS des Bouches-du-Rhône fin 2009. A l’époque de Defferre, elle en revendiquait trois fois plus.

Voir aussi : Rubrique Politique locale , La rénovation du PS patine en Languedoc-Roussillon, On Line, Derrière l’affaire la bataille pour Marseille,

Frêche sereinement contre la « politicaillerie » parisienne

freche20091221Le président de Région en appelle à un nouveau serment du Jeu de Paume dans une tribune libre de l’hebdomadaire Marianne.

Depuis les dernières élections régionales, les médias nationaux s’intéressent aux joutes politiques du Languedoc-Roussillon. Un intérêt qui tient sans doute moins au destin collectif de sa population qu’à la posture occupée par les acteurs dans la perspective de 2012. Après la tribune d’Hélène Mandroux dans Le Monde, c’est au tour de Georges Frêche de prendre la plume.

Dans l’hebdomadaire Marianne de cette semaine, le président du Languedoc-Roussillon dénonce le faussé entre les élites parisiennes engluées dans la médiacratie et la « politicaillerie » et le petit peuple.  «  La France étouffe. Elle ressemble à un Titanic où, côté VIP, on se demande, que peut on dire ?, pendant que, dans les soutes, on crie : que peut on faire pour nous ?

Dans un lexique entre Sénèque et Jaurès, Georges Frêche choisit son vocabulaire pour poser un constat distancié. Aucune référence directe au maire de Montpellier, ni à la première secrétaire du PS, ou à la politique du gouvernement Fillon. Il met en exergue « l’absence de débouché politique » face au « ressenti social ». Rejetant l’idée d’un quelconque complot comme l’image de la main invisible du marché, l’homme fort du Languedoc-Roussillon plaide pour un retour de l’action politique. « L’information continue, le « présentisme » à tous crins, la fausse interactivité, a broyé le temps politique. Il faut répondre vite, penser vite, agir vite, réagir vite. Mais la fast démocratie n’existe pas. »

Pour Georges Frêche, Le malaise social se double d’une fracture territoriale. « La question sociale est de retour. » Et le président de faire l’éloge des élus de province : « Comme on pouvait le dire autrefois du tiers état, ils connaissent mieux que quiconque cette réalité qu’ils se coltinent quotidiennement (…) Ce sont eux qui gardent le cap au beau milieu de la tempête.  Il est temps de les réunir, urgent de les écouter (…) il est l’heure de se retrouver pour un nouveau serment du Jeu de Paume. » Reste à savoir comment la mission de dialogue et de rénovation mise en place par le Bureau National du PS pour enquêter sur les fédérations socialistes du L.R appréciera l’abolition de la féodalité !

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Politique locale, Démocratie de quartier,, Mandroux et le village Gaulois,Pourquoi la gauche doit rompre avec Georges Frêche,rubrique Livre : Frêche L’empire de l’influence,

Livre politique. Radioscopie du système Frêche par son ex-avocat

andre-ferran2André Ferran, l’ex-secrétaire fédéral PS, connu pour avoir été l’avocat de président de région, signe un pamphlet sur le système Frêche.

Pourquoi ce livre après avoir été un compagnon de longue route ?

J’avais des choses à dire. Depuis un certain temps, je m’étais écarté politiquement de Georges Frêche. J’ai voté contre lui aux sénatoriales, contre le fait d’écarter la gauche, les communistes, les Verts au bénéfice du Modem. Par ailleurs, je me suis rendu compte, en hésitant beaucoup à trouver cette réalité, que Frêche n’était plus socialiste. Mon livre ne touche pas l’homme privé si ce n’est dans ce qu’il est devenu en tant qu’homme politique. Et que la fédération qu’il avait mis en place était une fédération à sa botte. Navarro n’est pas plus socialiste que moi archevêque.

Vous n’êtes pas archevêque mais vous qualifiez le secrétaire de la fédération de chanoine?

C’est une boutade pour présenter le personnage. J’explique dans le livre que l’un fait la carrière de l’autre. Frêche n’aurait jamais pu faire ce qu’il a fait s’il n’avait mis la main sur la fédération socialiste en plaçant à sa tête un apparatchik qui lui doit tout. Toutes les sections sont présidées par un élu, c’est une pyramide.

Le socialisme en L.R n’existe plus, dites-vous. Ici moins qu’ailleurs ?

J’espère qu’ailleurs le socialisme est un peu plus vivant qu’en Languedoc où il est devenu une secte. Je suis socialiste depuis plusieurs décennies, je pense et j’espère qu’il reste des gens pour défendre le socialisme qui me va droit au coeur et pour lequel je me suis engagé. J’attends que cette équipe soit partie pour revenir dans mon parti et je ne suis pas seul dans cette situation.

Vous citez André Vézinhet qui dit : «  en tant que député, je ne connais pas le nombre de militant de ma propre circonscription « . Est-ce un fait nouveau cela ?

Non ce n’est pas nouveau, le problème est que dans cette fédération, il y a deux catégories d’adhérents. Il y a ceux qui ont une vue très exigeante du socialisme dans sa philosophie et dans sa pratique. La plupart de ces militants pense qu’il faut régler les problèmes en interne et ne pas mettre sur la place publique ce qui pourrait affaiblir le socialisme. Et à côté vous avez les Navarro est les autres qui sont les roitelets. Le fonctionnement de la fédération a révulsé un certain nombre de personnes qui ont démissionné. Moi j’avais proposé de saisir le magistrat compétent en référé afin d’obtenir une ordonnance obligeant Navarro à fournir les registres aux plaignants pour savoir qui cotise et qui ne cotise pas, et éclaircir les choses autour de la fameuse section hors sol. Les gens bien pensants ont préféré ne pas le faire, ce qui permet à l’autre partie de la fédération de poursuivre sur un terreau qui n’est pas le nôtre.

Dans l’affaire des Harkis vous réhabilitez Frêche en expliquant la décision de justice ?

Je n’étais plus son avocat à ce moment-là. La Cour a rendu une décision à mon sens remarquable. Elle considère que le terme de sous-homme n’a pas été employé pour l’ensemble de la communauté. Il n’a pas dit que les Harkis étaient des sous-hommes, il a employé le terme pour les deux personnes qui étaient venues le provoquer donc je le réhabilite. Je ne cherche pas à l’accabler. Je dis ce qu’il en est. Seulement quand il dit j’ai été absout, ce n’est pas vrai. La cour n’a pas jugé puisqu’il y a eu un vice de forme qui lui a interdit d’aller au fond. Frêche c’est le bluff, le bluff, le bluff et j’en est marre de le voir abuser les gens.

Comment voyez-vous l’avenir du PS dans cette région après Frêche ?

Je pense que l’on ne peut pas voir le Languedoc-Roussillon indépendamment de Paris. Si le renouveau du PS se fait, il faudra changer les têtes. Navarro ne pourra pas rester. Il y a un tas de jeunes qui peuvent prendre des responsabilités, d’autres qui sont partis reviendront. Si ça patine à Paris je vous avoue que je ne sais pas ce qui va se passer. Frêche peut mettre des personnes qui travailleront pour lui en gardant la structure et seront plus difficile à déboulonner « .

Recueilli par Jean-Marie Dinh

De dérapages en déraison Frêche se démasque. Chicxulub éditions, 15 euros

Les bonnes feuilles

Le système Frêche
Peu à peu, sans éclat, mais avec une bonasserie rassurante de chanoine, c’est Navarro qui étouffe chez les membres du parti toute velléité de changement, leur interdit d’accéder aux fichiers de la Fédération, à sa comptabilité et à tous autres documents instructifs. Cotisez, braves camarades, votez comme on vous le dit ! Et pour le reste, dormez en paix : je veille ! La devise fait toujours florès. Certes, ce personnage a construit jusqu’à aujourd’hui une belle carrière « politique ». Toujours par scrutins de listes, auxquels il contribue activement en s’y plaçant au mieux pour être élu : vice-président régional, député européen, puis sénateur pour ne parler que des saute-mouton les plus criants.

C’est le pilier central du système Frêche, cimenté par un clientélisme extérieur au parti. Frêche et Navarro font ainsi la paire et route commune, l’un sacrant l’autre et réciproquement ; le premier a beaucoup lu, sait parler ; le second a le souffle court, mais exécute ferme. Cette confiscation du pouvoir au maillage serré, fait de soumission pusillanime, sert encore de corset d’acier aux fondations de l’Empire régional.

Le chef
C’est que Frêche, à califourchon sur la plus grosse branche du chêne qu’il a planté et fait croître – d’après lui, jusqu’à rejoindre Dieu, qu’à l’occasion il conseille, et même remplace – la scie allégrement avec des rires sarcastiques et tonitruants.
Un jour, il prend une décision bizarre sinon incohérente, qui doit sur-le-champ être apportée au peuple. Les services de communication accourent, la presse, et chacun se met aux abris… Le lendemain, il injurie, de préférence publiquement, piétine ceux qu’il trouve trop peu courtisans ou pas assez décérébrés à son goût ; ceux qu’il rencontre, par malheur, à l’instant où sa pression intracrânienne lui impose de libérer pour son confort un jet de vapeur, et même en désespoir de cause, ceux qui respirent trop fort sans son autorisation.

Le reste du temps, Frêche « fait des coups », toujours sans préparation, souvent pulsionnels. Machiavel, c’est pour la légende. Parfois, bingo ! Ça marche ! Vite les médias, il se répand, en rajoute, se vautre. Ah ! Le visionnaire ! Oubliés les échecs, la Septimanie avortée, les lycées débaptisés, etc. Et puis, il faut bien le dire aussi, il exécute : les soupçonnés de traîtrise, les comploteurs présumés, les possibles « pas clairs », les porteurs de mauvaises nouvelles qui font arriver le malheur… Lesdites exécutions sont bien sûr « politiques ».

Ainsi va l’homme, sur la voie qu’il s’est faite, empierrée de courtisans, d’obligés, de ravis, d’attentistes fiers et reconnaissants du pas qui les courbe un peu plus chaque jour. De leader politique, il est devenu gourou. La secte qu’il a créée, où les militants sont devenus fidèles et Navarro le Grand Prêtre, plus calculateur qu’inconditionnel, s’est coupé du monde.

Le faux plébiscite
Le 3 décembre 2009, par un vote, les militants du PS ont adopté la liste Frêche, bien que ce dernier ne paie aucune cotisation au parti depuis trois ans, soit trente mille euros environ. Ils sont bien bons les militants qui paient la leur parfois avec difficulté.

Le paradoxe
Pour comprendre le paradoxe vivant qu’est Frêche, dans son apparence d’être droit dans ses pompes et dans ses oeuvres, toile de fond sur laquelle s’impriment en continu ses foucades, ses outrances, ses boursouflures et ses délires… il ne faut pas procéder par analyse manichéenne de ce dualisme. Il n’y a pas, en l’espèce, le bien et le mal bien tranchés. Pas de pan de mur à l’ombre derrière lequel viendraient, par génération spontanée, et sortiraient, grimaçants, des mots qui dépècent ; ni un point de lumière enveloppante, chaude de généreuse et vivifiante grandeur. Frêche, n’est qu’un. Ses deux facettes ne se succèdent pas en alternance ; elles s’interpénètrent et se légitiment mutuellement.

Ce qui frappe d’abord ceux qui l’approchent, c’est sa pauvreté psychologique dans ses rapports aux autres, en regard de son intellect multiforme et riche. Comme s’il avait pris toute la place disponible pour mieux s’épanouir et s’imposer en maître. « Par ma mère, j’ai été formé machiste, confesse Frêche. J’ai reçu une éducation machiste, continue-t-il, celle de l’homme placé au centre du monde. Comme elle était institutrice, je devais être premier partout. Quand je n’étais que second, elle m’engueulait. Quand elle me disait « tu es second », elle me le disait avec un de ces mépris… Pour faire plaisir à ma mère, j’avais tous les prix. J’étais la « grosse tête de la classe ». Je devais aussi séduire les plus jolies filles » ».

Ce savoir, qui a bâti l’enfant et son accessoire avaient pour vocation de nourrir et muscler son intellect, non point pour l’amener vers autrui, le connaître, apprendre à l’aimer, et peut-êre à le servir, mais pour lui être supérieur et mieux le dominer. C’est pourquoi dans les propos, les façons de faire et les écrits de l’homme qu’il est devenu, on ne peut rien trouver ressemblant à une main tendue, fraternelle, où même simplement à l’offrande d’un soupçon de chaleur humaine vraie.

Le masque
Frêche n’a été formé ni pour les ambassades, ni pour les médiations. Il passe en force ; il ne mène pas les hommes, il les malmène pour les atteler à son char. Son agressivité systématique, son mépris claironnant de tous ou presque, la supériorité qu’il se prête sont les paravents qui participent de ce cynisme. Il en use pour tenir à distance de lui ceux qu’il ne comprend pas, ceux qui l’impressionnent ou qu’il craint ; ceux qui peuvent lui être préférés par les militants du parti. La hantise de n’être pas toujours le premier ! Ainsi trouve-t-on dans ses ouvrages quelques appréciations acides exemplaires, en l’espèce, sur les hommes et les femmes politiques du parti socialiste.

Frêche « élimine »
Ainsi, dans « La France ligotée » (éd. Belfond, p. 49), il écrivait déjà en octobre 1990 : « Le PS est une école de guerre, peut-être la meilleure. Comme ces soldats de mon enfance, les militants au cours des batailles internes luttent à balles réelles ». Drôle de métaphore…

Le bluff
En même temps que la mise en place de ces moyens de protection, à la fois pour mieux compenser ses manques affectifs et donner le sentiment qu’il est toujours et malgré tout le premier de la classe, Frêche, par le verbe et le livre, joue de son intellect. Porteur de grande culture faite d’authentique science, sans respect pour ses auditoires, il engouffre dans ses discours des contre-vérités, de larges tranches d’histoires de pays étrangers, souvenirs de ses cours magistraux, et bluffe à tort et à travers pourvu que cela le fasse mousser, quitte à dire le contraire plus tard. Seul compte l’impact immédiat pour son équilibre profond et sa propre image, celle qu’il croit être la meilleure pour lui.

Jaurès
Mais masquer sa réalité profonde, en suppléant le « sentiment » par l’intellect, n’est encore pour Frêche qu’une talonnette, mise aux bottes de sept lieues qu’il a chaussées pour fuir au plus loin sa « boiterie ». La parade est insuffisante à créer l’humanisme qui manque d’un côté et arriver au génie politique de l’autre. Alors, comme les enfants qui, admirant les qualités d’un personnage mythique, veulent les posséder, et pour cela, l’investissent, s’identifientà lui et finissent par vivre à travers la chimère, Frêche s’est « réincarné » en Jaurès et Machiavel « grands politiques », subtils anticipateurs des temps futurs. Cependant, à y regarder de plus près, on voit bien qu’il n’y a là que panoplies.

Les autres injures
A propos de la venue d’une délégation russe pour la Comédie du Livre de mai-juin 2008 : « C’est un peuple formidable, méconnu en Occident, mais extrêmement gentil ». Attention ! Quand il se fait patelin, la suite glace souvent : pour lui, les Russes n’ont qu’un seul défaut : « ils sont antisémites… ». « Je ne suis plus adapté au monde actuel, un monde de faux-culs où il faut du calme et ne pas dire ce que l’on pense » (Le Journal du Dimanche, 19 février 2006). « Maintenant, on ne peut plus rien dire. J’engueule deux mecs et aussitôt on me fait porter tous les péchés du monde. On vit dans une société de merde préfascisante. Le procès qu’on fait à Sarko est un procès fasciste » (Midi Libre, 28 février 2008). Frêche ne manque pas d’air !

La république bananière
Mais les scores à la Ceausescu enregistrés dans l’Hérault n’ont rien à voir avec le niveau national. La Fédération fait marcher les militants au canon – la section hors sol que dirige Navarro est son domaine réservé. Il en est le secrétaire ; sa femme en est trésorière. Impossible de connaître les inscrits ; madame Navarro vient d’être désignée au Comité national du PS à Paris. « On ne nous a jamais fourni les comptes, je ne veux pas que ma cotisation serve à des postes de budget dont on ne sait rien, ma démission du PS est une sorte de cri d’alarme » s’indigne encore Jacques Atlan. Cette déclaration carrée mérite une exégèse. La « tricherie », ce mot est ici un euphémisme ! On devrait parler du trucage des résultats définitifs des votes, ceux prétendument obtenus dans la fameuse « section hors sol » étant comptabilisés pour les obtenir. Elle est constituée de près de quatre cents inscrits qui seraient éparpillés de par le monde et regroupés autour d’un Navarro au grand coeur, qui les accueille en respectant leur besoin d’anonymat… C’est l’Arlésienne ! Au moins, camarade Navarro, est-ce qu’ils cotisent, comme imposé par les statuts du PS, pour avoir accès aux votes ? La question ne se pose pas, camarade ! Réponse idéale dans son double sens. On peut en rester là ! Il a bien été conseillé à un groupe d’opposants de saisir la justice par voie de référé pour contraindre sous astreinte le Premier fédéral à mettre à leur disposition tous documents indispensables à l’analyse de la situation, pour qu’en soient tirées toutes conséquences. Cela n’a pas été fait, mais il paraît qu’on y pense toujours et qu’on attend l’occasion…

Un nouvel état
Convaincu qu’avant lui, rien n’existait que le désert, et le proclamant, urbi et orbi, il doit créer une entité régionale, creuset de l’oeuvre obligatoirement grandiose qu’il va réaliser et qui portera son sceau pour passer à la postérité. Tous les gouvernements de gauche successifs l’ont laissé à leur porte, le jugeant trop fantasque malgré ses réalisations en qualités de maire, appréciées à Montpellier. Et parce qu’il n’avait pas acquis, malgré ce, sens politique et sagesse.

La Région, véritable « petit pays », lui est alors confiée pour qu’il lui fasse un avenir. Il y est prêt moins pour elle que pour lui et ils vont voir de quoi il est capable, lui, qu’ils n’ont pas accepté. Son oeuvre s’appellera « La Septimanie », sortie de ses souvenirs d’historien, en lieu et place de la dénomination Languedoc-Roussillon, avec son nouveau drapeau, son logo particulier et tout ce qui va suivre d’organisation originale.

La raison hoquette
Après avoir ébroué son esprit, lecture faite de ce morceau d’anthologie, petite partie d’un tout à l’avenant sur d’autres sujets, la raison hoquette d’ahurissement. Ainsi, la stratégie politique de Frêche est basée sur le « cul » pour se faire élire ! Cet « humanisme » a le plus grand mépris pour la démocratie et ceux qui la constituent, qu’il trompe sans état d’âme ; ce « fin lettré », à travers sa langue dont il se moque, refuse au peuple catalan la considération qui est due à sa vivante et riche culture. Les Occitans ne sont pas mieux traités avec leur langage assimilable au « patois », terme péjoratif, oubliant que l’occitan est enseigné à plus de 13 000 élèves en Languedoc.

Epilogue
Le vide s’est fait autour de Georges Frêche. Ses amis sont partis choqués par ses dérives devenues immaîtrisables et inacceptables. Le premier cercle et les autres, à la fois conseillers et gardes du corps, ceux qui avaient eu la chance de servir à travers lui et avec lui, un socialisme ardent et constructif, aujourd’hui, à jamais disparu. C’est que Frêche, en perpétuelle recherche d’équilibre profond, se protège en imposant le personnage qu’il s’est fait, brutal et cynique, excluant les autres de peur qu’ils le découvrent et le maîtrisent. Frêche, à ce jour, est au plus haut degré de l’hubris, de façon irréversible et assumée avec une rare violence si on lui discute une parcelle de pouvoir. Pas pour mettre au concret un socialisme nouveau : pour mieux le combattre. Avec un cynisme rare, il en est arrivé, intouchable qu’il est, pense-t-il, à provoquer l’électeur de gauche. Et puis, il bétonne et bétonne comme il a été vu, et bétonnera encore s’il est réélu, dans l’exercice d’un pouvoir résolument mégalomaniaque. Il ne réalise que des constructions qu’il veut de renommée « européenne » et si possible « mondiale » : aquarium, casino, zone ludico-commerciale, etc. Il s’en gargarise devant  la presse en alignant les chiffres astronomiques des coûts en millions d’euros, à contre-courant de toute considération écologique ; et d’un socialisme au service de l’homme et non de ce qui l’exploite.

La raison a quitté la Région Languedoc-Roussillon. Qui peut la faire revenir ?

Voir aussi : Rubrique Politique : Frêche et le serment du Jeu de paume, Mandroux et le village Gaulois, Pourquoi la gauche doit rompre avec Frêche, Philippe Guérineaud contre Frêche , Le problème frêche : copie à revoir ! , rubrique Livre : Frêche L’empire de l’influence,