Glisser des pensées dans ses vacances

A la plage le  corps soustrait aux impératifs du produire et  du consommer

A la plage le corps soustrait aux impératifs du produire et du consommer

Philosopher à la plage de Jean-Louis Cianni

Dans son dernier livre Jean-Louis Cianni nous offre un manuel de savoir-vivre en s’inspirant  de Plotin, Sénèque, Marc-Aurèle, Montaigne, Epicure…

Il faut bien l’avouer : aujourd’hui, que l’on occupe un travail ou pas, que l’on soit vieux ou jeune, homme ou femme, beau ou moche… notre volonté, comme notre faculté de se projeter consciemment et librement vers un destin épanoui pourrait bien nous manquer.Sans même évoquer la folie furieuse qui peut nous plonger dans la stupeur au coin de la rue, les déterminismes futiles et matériels qui régissent nos existences urbaines, le contexte économique et politique désespérant, la perte de sens de toute chose et la fermeture des esprits, nous éloignent de la conscience et de la raison.

Même la religion, comme solution symbolique  des conflits, ne produit plus comme hier les compensations imaginaires susceptibles d’aboutir à une union pacifiée. Reste la philosophie, encore faut-il au préalable s’approprier le temps particulier qui convient. L’oiseau de Minerve prend son vol à la tombée de la nuit, dirait Hegel.

Dans son dernier livre,  Jean Louis Cianni nous porte l’heureuse solution, « l’été venu, une chance nous est offerte. Nous pouvons ouvrir une brèche dans le mur du désenchantement, frayer un passage vers  plus de liberté et de lucidité.» Comme son titre l’indique , ou presque, Philosopher à la plage, déshabille la philosophie de ses lourdeurs habituelles, raisonnements stériles, étalage culturel, vocabulaire obscur pour conserver l’essentiel,  déployer l’art le plus limpide pour rendre l’homme, plus lucide, plus libre et heureux.

A l’instar de André Comte-Sponville et François Jullien, il importe de préciser que la notion de bonheur s’entend ici dans la vision occidentale  et non orientale, c’est -à-dire en référence à la philosophie grecque. « Le bonheur est un principe ; c’est pour l’atteindre que nous accomplissons tous les autres actes » écrit Aristote.

Louis Cianni esquisse un programme permettant d’y parvenir. Savoir partir pour se délester de ses certitudes et de ses illusions en constitue une étape.   Etre à la plage et en soi même, permet de s’ouvrir à la vérité . « La plage devient une citerne profonde où ne résonne qu’un silence étrange. On se sent comme ce coquillage poli posé contre un orteil et déserté par son mollusque

Bref, ne craignez plus votre responsable du personnel quand il vous traite de mollusque, il n’a simplement pas saisit que vous réclamer des solidarités et des surprises dans la multitude.  Si revivre fait partie du programme philosophique , il importe alors de récupérer bien des territoires perdus comme la réflexion en ayant pris soin d’avoir éteint sa radio et son téléphone portable pour explorer «sa capacité à inventer de l’existence». « C’est dans l’inaction que se confirme l’évidence que les  plus suractifs d’entre nous, chefs d’entreprise ou leaders politiques, ne sont pas forcément les plus compétents

Ce livre étonne par la simplicité  et la sagesse qu’il met à  portée de main du lecteur. « S’étonner,  la philosophie n’a pas d’autre origine »,  affirmait Socrate.

JMDH

Jean-Louis Cianni Philosopher à la plage, Albin Michel 15 euros

Source La Marseillaise 18/07/2016

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