Un projet de décret, discrètement soumis à consultation publique par le ministère de l’Agriculture jusqu’au 20 février, vise à autoriser l’ouverture de mines et de carrières dans les forêts protégées de France. Pourquoi ce décret aujourd’hui ? Faut-il voir un lien avec des projets extractifs spécifiques ? Sur tout le territoire, les collectifs citoyens opposés aux mines et aux carrières s’inquiètent. Une pétition en ligne a déjà recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures.
Dès les 1er mars, les principales forêts protégées de France pourraient se trouver ouvertes à l’exploitation minière. C’est ce que propose un projet de décret élaboré par le ministère de l’Agriculture et soumis à consultation publique jusqu’au 20 février. Celui-ci vise les « forêts de protection » – le régime de protection le plus contraignant, créé en 1922, qui concerne environ 150 000 hectares sur tout le territoire métropolitain. En bénéficient notamment les forêts de Fontainebleau et de Rambouillet en Ile-de-France. Jusqu’à présent, il était absolument impossible d’y procéder à des travaux de quelque type que ce soit, à l’exception de la recherche de sources d’eau potable. Désormais, il deviendrait envisageable d’y procéder, moyennant autorisation, à des fouilles archéologiques ou à « la recherche et l’exploitation souterraine des ressources minérales revêtant un intérêt national ou régional, telles que les substances de mines et certaines substances de carrières ».
Pourquoi ce décret aujourd’hui, et faut-il voir un lien avec la politique de « relance minière » souhaitée par de nombreux industriels et politiques ? Selon le ministère, il ne s’agit que de permettre le classement de massifs forestiers abritant déjà une carrière ou présentant un intérêt archéologique. Une démarche aujourd’hui irréalisable « faute de l’existence d’un régime spécial ». Sont notamment avancés les exemples de la forêt de Montmorency, dans le Val-d’Oise, qui abrite l’une des plus importantes carrières de plâtre d’Europe (propriété conjointe du groupe cimentier Lafarge et de Placoplatre, filiale de Saint-Gobain), ainsi que celui de la forêt de la Haye, près de Nancy, qui abrite des sites archéologiques.
Une formulation inquiétante
Il n’en reste pas moins que la formulation très large du décret, qui vise toutes les forêts de protection, inquiète les défenseurs de l’environnement ainsi que les dizaines de collectifs citoyens qui se sont créés ces dernières années sur tout le territoire métropolitain pour s’opposer aux nouveaux projets miniers. Beaucoup y voient le résultat du lobbying des industriels des carrières, représentés par l’Unicem (Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction). D’autant plus qu’au même moment, la proposition de réforme du code minier n’a pas vraiment permis d’y intégrer les garde-fous environnementaux et démocratiques nécessaires (lire notre enquête récente).
Derrière ce décret, y aurait-il aussi des projets précis ? Il y a au moins un exemple. La société Variscan mines vient d’obtenir un permis de recherche en Ariège, le « permis de Couflens », à proximité de l’ancienne mine de Salau, mais aussi d’une forêt de protection de 1000 hectares…
Plus généralement, la logique d’affaiblissement des protections environnementales sous-jacente au projet de décret va immanquablement affecter les rapports de forces dans bien des endroits. Ainsi dans le Lot, où un collectif citoyen se bat pour préserver un verger à graines unique, au cœur d’un site classé « Espace naturel sensible », contre l’expansion d’une carrière de galets de quartz appartenant à l’entreprise française Imerys.
Une pétition en ligne a été créée, qui a déjà recueilli plus de 30 000 signatures.
Olivier Petitjean
Source : Observatoire des Multinationales 15/02/2017
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