Théâtre.
Le souffle inépuisable de l’increvable Herrenstein, un richissime marchand d’armes à la retraite sied merveilleusement à Denis Lavant qui ne révèle sa souplesse physique qu’au salut final. Le reste du temps, il use de son agilité verbale pour exprimer dans une langue concise et un corps estropié, le monde du récit de Thomas Bernhard, c’est-à-dire le pire des mondes possible, où la vie n’est qu’une maladie mortelle.
Aurore Fattier livre une mise en scène aussi dépouillée qu’efficace en tirant parti de la dimension éminemment comique de la situation à partir d’un travail corporel singulier. Le couple masochiste Herrenstein/Richard (son majordome) est captivant et très drôle.
Le vieil homme qui conserve sa vitalité en crachant son venin sur ses congénères n’est pas sans rappeler notre génération botox. Et le gratin viennois qui doit débouler chez lui pour assister de son balcon à l’événement « people » du jour, reste totalement d’actualité.
Ecrite en 1987, Elisabeth II est l’avant-dernière pièce de Thomas Bernhard. Dans La Place des Héros, qu’il écrit l’année suivante on entend qu’« il y a aujourd’hui plus de nazis à Vienne qu’en 1938 » ce qui fit évidemment scandale.
Mais qu’est-ce d’autre que cet impérieux besoin de dire la réalité que l’on aime chez Bernhard ? D’une certaine façon, rien n’a vraiment changé entre 1938 et aujourd’hui. Et ce n’est pas les marchands de canons qui peuvent dire le contraire…
JMDH
Source La Marseillaise 13/01/2016
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