Delphine Vigan au cœur de la mémoire familiale 

Rencontre . L’auteur Delphine de Vigan présente   son livre « Rien ne s’oppose à la nuit » à la librairie Sauramps.

« La douleur de Lucile, ma mère, a fait partie de notre enfance et plus tard de notre vie d’adulte, la douleur de Lucile sans doute nous constitue, ma soeur et moi, mais toute tentative d’explication est vouée à l’échec. L’écriture n’y peut rien, tout au plus me permet-elle de poser les questions et d’interroger la mémoire.

La famille de Lucile, la nôtre par conséquent, a suscité tout au long de son histoire de nombreuses hypothèses et commentaires. Les gens que j’ai croisés au cours de mes recherches parlent de fascination ; je l’ai souvent entendu dire dans mon enfance. Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre.

Aujourd’hui je sais aussi qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du Verbe, et celui du silence. Le livre, peut-être, ne serait rien d’autre que ça, le récit de cette quête, contiendrait en lui même sa propre genèse, ses errances narratives, ses tentatives inachevées. Mais il serait cet élan, de moi vers elle, hésitant et inabouti. »

Dans cette enquête éblouissante au coeur de la mémoire familiale, où les souvenirs les plus lumineux côtoient les secrets les plus enfouis, ce sont toutes nos vies, nos failles et nos propres blessures que Delphine de Vigan déroule avec force.

Delphine de Vigan est notamment l’auteur du best seller « No et moi », Prix des Libraires 2008, adapté au cinéma par Zabou Breitman, et des « Heures souterraines » (2009), traduit dans le monde entier. Elle faisait partie de la dernière sélection du Goncourt.

19 octobre  à 19h : Rencontre avec Delphine de Vigan suivie d’une discussion avec l’auteurà la librairie Sauramps.

« Rien ne s’oppose à la nuit », éditions Lattès

Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique littérature française, Les épuisés de la vie font recette,

Les épuisés de la vie font recette en librairie

C’est inévitable et un peu comme le Tour de France, la rentrée littéraire suscite toujours une série de questions. Par exemple, on donnerait beaucoup (mais pas tout) pour savoir ce que pensait Delphine de Vigan le jour de la sortie de son livre Les heures souterraines. Etait-elle pétrie d’angoisse, rongée par l’incertitude ou affichait-elle au contraire l’assurance discrète d’une femme qui sort superbe de la salle de bain, deux heures après s’y être enfermée ?

On est tenu en haleine, on demande l'happy end...

On est tenu en haleine, on demande l'happy end...

On s’interroge parce qu’après No et moi (prix des Libraires 2008), traduit dans le monde entier, son cinquième roman est redoutablement efficace. Style simple, fluide, résonances percutantes, écrit comme un synopsis avec des phrases clés du genre :  » Il n’arrive pas à dormir parce qu’il l’aime et qu’elle s’en fout. « 

Il, c’est Thybault, le médecin de ville antihéros.  » Sa vie se partage entre 60% de rhinopharyngites et 40% de solitude. Sa vie n’est rien d’autre que ça : une vue imprenable sur l’ampleur du désastre.  » Elle, c’est Lila sa compagne. Thybault va trouver la force de s’en séparer, puis il sera pendu à son portable dans l’attente de son appel.

Il y a aussi la pauvre Mathilde.  » Elle n’est pas malade. Elle est fatiguée. Comme les centaines de gens qu’elle croise tous les jours.  » Dans le métro, elle a rejoint le cortège de ceux qui s’accrochent aux rampes. Le harcèlement moral dont elle est l’honnête victime la démolit. L’auteur en décrit merveilleusement le processus. Les milliers de lecteurs qui connaissent la situation ne pourront que l’attester. Mathilde est une mère courage qui élève seule ses trois enfants. Son mari est mort dans un accident de voiture. Elle a su remonter la pente.

Ce qui lui arrive est vraiment injuste. C’est l’héroïne des temps modernes qui rêve de s’oublier en se perdant à nouveau dans la culture de son entreprise. Mathilde refuse la compassion. C’est pourtant ce sentiment, que l’auteur suscite de ses lecteurs. On ne peut se résoudre à la voir souffrir. On est tenu en haleine, on demande l’happy end… Mathilde trouvera-t-elle Thybault sur sa route ?

Un roman miroir en somme sur la silencieuse misère humaine. Au cœur du déséquilibre, le livre est un succès annoncé.

Jean-Marie Dinh

Les heures souterraines, éditions Lattès, 17 euros