Théâtre des aahhh et des beurk

La cie belge Arsenic nous invite dans une macabre roulotte. Photo  DR

D’abord déserté, le premier rang est occupé par les derniers arrivants. C’est peut-être ce titre Les faiseurs de monstres, qui invite à prendre nos distances ou cet entrefilet dans le programme qui déconseille aux enfants d’assister au spectacle.

Voilà, maintenant le public est installé. Il attend face au camion théâtre. Tout est dans la remorque, rectangle rouge étanche en acier, bien fermée. On nous demande de nous resserrer pour accueillir les retardataires. Échanges de sourire avec les voisins, on se rassure comme on peut…

Un homme et une femme en noir surgissent sur le devant de la scène. Ils défont prestement les crochets de fermeture de la remorque. Suspendus, les spectateurs ne quittent pas des yeux l’espace qui s’ouvre de peur qu’il ne s’en échappe des monstres féroces. Bienvenue chez Brockau. Outil en main, l’orfèvre de l’horreur s’applique à parfaire sa dernière création. Dans un torchon sur son établi, la masse de viande sanguinolente qu’il triture de main de maître, respire encore…

Ainsi commence la terrible histoire de Lina mise en scène par Axel De Booseré. Cette création renoue pour le meilleur du pire avec le théâtre populaire du Grand Guignol. Elle explore les déséquilibres mentaux où l’érotisme, l’humour, et l’horreur cherchent un équilibre. Le monde intense de l’imaginaire surseoit au manque d’horizon de l’espace scénique. Servi par une qualité artistique irréprochable, le spectacle millimétré de l’effroi fait mouche. Le palpitant théâtre de la peur joue sur les frontières du bien et du mal. L’angoisse est un art qui rapproche et interroge. De quelle matière fait-on les plus beaux monstres ?

Jean-Marie Dinh

 

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