Alliance, le syndicat policier omniprésent

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Depuis plusieurs semaines, l’organisation classée à droite monopolise l’espace médiatique à coups de déclarations tonitruantes.

Sur tous les fronts, sur tous les tons. Depuis quelques semaines, le syndicat policier Alliance est omniprésent. De l’accident de train de Brétigny-sur-Orge aux échauffourées de Trappes, l’organisation, proche de la droite, est toujours prête à réagir. Une visite sur sa page Facebook est assez édifiante : difficile, voire impossible, de trouver un jour sans une réaction officielle ou un lien vers une intervention médiatique. Au point de se demander où sont les autres syndicats policiers. Quid d’Unité SGP FO, première organisation du secteur, ou d’Unsa Police ? «Si pour retenir l’attention, il faut être plus pyromane qu’Alliance, alors on n’est pas là-dessus», répond Nicolas Comte, secrétaire-général adjoint d’Unité SGP.

Car l’hyperactivité d’Alliance a ses travers. La sortie sur les «détroussages de cadavres» après le drame de Brétigny, c’est elle. Une version depuis largement battue en brèche par le procureur de la République d’Evry. Frédéric Lagache, secrétaire-général adjoint du syndicat, reconnaît à ce propos un «dérapage dû à la fatigue». «C’est l’été, certaines personnes qui n’ont pas l’habitude de communiquer se retrouvent en première ligne, explique-t-il. Mais tout ça a été rattrapé par la suite, notre communiqué était beaucoup plus prudent que l’intervention de notre collègue sur Europe 1.»

L’homme dément toute fuite en avant dans la communication de son organisation. Il ne changerait rien, par exemple, à son analyse des émeutes qui ont frappé Trappes. «Est-ce une faute de dire la vérité ?», s’interroge-t-il. Sur le site d’Alliance, l’affaire fait la une, photo de voiture incendiée à l’appui. Les récentes décisions de justice dans ce dossier ont mis Lagache hors de lui. «On peut mettre une ville à feu et à sang et la loi vous protège», a-t-il réagi. Une déclaration dans la droite ligne des précédentes sorties d’Alliance sur un supposé «laxisme» de la justice, dont l’UMP fait aussi son miel.

«Sur la police et la sécurité, on ne fait pas n’importe quoi»

Cette remise en cause récurrente des décisions judiciaires dérange Philippe Capon, de l’Unsa, troisième organisation chez les policiers et gardiens de la paix, classée à gauche. «Je ne suis pas là-dessus, dit-il. La terminologie d’Alliance va trop loin. Quand ils embrayent sur le moindre fait-divers, cela peut participer à une certaine stigmatisation.» Nicolas Comte, d’Unité-SGP FO, également proche de la gauche, ajoute : «Sur la police et la sécurité, on ne fait pas n’importe quoi.» Les deux syndicalistes reconnaissent que l’organisation rivale, grâce à ses prises de position tonitruantes, gagne une certaine visibilité médiatique. «C’est vrai qu’ils ont plus de reprises, notamment sur les chaînes d’information en continu, mais on ne s’en plaint pas», explique Comte.

Sur le sujet, Frédéric Lagache précise que son syndicat se contente de répondre positivement ou non aux différentes sollicitations. «On n’appelle pas les journalistes pour être invités.» Il affirme également faire la chasse aux «propos extrémistes» qui se baladeraient un peu trop allègrement sur la page Facebook de l’organisation. En témoigne notamment cette «charte de bonne conduite» rappelant la ligne «républicaine» d’Alliance, qui se conclut ainsi : «Pour celles et ceux qui viennent dans la seule volonté de provoquer afin d’engendrer des dérapages écrits, de policiers notamment, dans le but de faire fermer notre page ont le droit d’y croire… mais cela n’est pas prêt d’arriver.»

Lagache dément aussi tout positionnement partisan de son syndicat. «Nos adhérents viennent de tous les bords. Si la gauche reprend nos arguments, c’est très bien.» Il dit n’avoir pas hésité, par le passé, à fustiger la politique de la droite. «La loi pénitentiaire, par exemple, était une connerie monumentale. Faire de la prison l’exception et de l’aménagement de peine la règle, c’était stupide. C’est ce qui s’est passé à Trappes. Le mec a pris a six mois, mais le lendemain, il est chez lui, et il peut narguer son monde.»

Guerre de tracts

L’argumentaire – d’ailleurs plus droitier que la droite – ne convainc pas tout le monde. A commencer par Nicolas Comte : «Le discours d’Alliance a traditionnellement toujours été proche du RPR puis de l’UMP. Aujourd’hui, il évolue comme celui d’une partie de la droite.» Philippe Capon, lui, a le sentiment qu’Alliance est le «porte-parole de l’opposition». «Ils avaient clairement pris position en faveur de Nicolas Sarkozy. Mais aujourd’hui, ils ont trop tendance à faire fi du passé. Car si on fait le bilan, la politique répressive de la droite est un échec. La politique du chiffre a mis une ambiance de merde dans la police.»

Si les syndicats de police défendent des positions souvent divergentes en public, la situation est encore plus tendue en interne. Alliance et Unité-SGP (respectivement 37% et 47% des suffrages lors des dernières élections professionnelles) se font la guerre à coups de tracts. «Alliance est extrémiste à notre égard, juge Nicolas Comte. Ils ont publié une trentaine de tracts en deux mois nous ciblant, dont l’un nous représente avec un couteau poignardant un flic [voir ci-dessous, ndlr] «C’est de la com’ interne, temporise Frédéric Lagache. Eux nous représentent bien en Pinocchio !»

Sylvain Mouillard

Source Libération 25/07/13