La carte des 13 nouvelles régions a été adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, dans la nuit de mercredi à jeudi. Après un ultime débat passionnel.
Les députés ont finalement adopté en deuxième lecture l’article 1erde la réforme territoriale qui prévoit de redessiner la France en 13 régions. Une adoption qui s’est déroulée dans un débat particulièrement passionnel comme l’ont illustré les débats qui ont agité l’hémicycle. Les députés devraient probablement achever ce jeudi la deuxième lecture de ce texte, qui prévoit aussi de repousser les élections régionales de mars à décembre 2015. celui-ci fera l’objet d’un vote solennel le 25 novembre.
Six heures de débats et soixante amendements
Il aura fallu près de six heures de débats en effet pour aboutir au vote de ce 1er article qui prévoit la réduction du nombre de régions métropolitaines de 22 à 13 à compter de 2016. Sur la soixantaine d’amendements pour le supprimer ou le réécrire encore, aucun n’a été adopté.
Le dialogue est « allé à son terme », a plaidé le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, défendant notamment les choix de découpage au nom de la nécessité de donner aux régions la « taille critique » nécessaire face à d’autres régions européennes. La taille ne fait pas la puissance, ont objecté des députés de droite mais aussi de gauche, invoquant les cas des régions allemandes ou espagnoles.
Observant qu’« aucune carte ne fera jamais l’unanimité » et affirmant que le gouvernement n’entend « ni heurter ni gommer les identités locales », le secrétaire d’Etat à la Réforme territoriale André Vallini a appelé à « faire enfin cette nouvelle carte des régions et cette réforme territoriale que les Français attendent ».
Bronca alsacienne
Mais la dizaine d’élus UMP alsaciens, qui avait reçu quelques heures plus tôt l e soutien indirect de Nicolas Sarkozy en meeting à Mulhouse, ont fait bloc jusqu’au bout pour tenter de maintenir l’Alsace seule, quelques heures après avoir déployé une grande banderole « Ne tuez pas l’Alsace » dans la salle des Quatre-Colonnes.
« Dans quelle société peut-on marier les gens contre leur gré ? », s’est exclamé Jean-Luc Reitzer, là où Laurent Furst a souligné que « l’Histoire nous a appris à vivre des moments difficiles mais aussi à ne jamais rien lâcher ». En guise de démonstration par l’absurde, Eric Strauman a défendu deux amendements pour fusionner toutes les régions ou créer deux régions, l’Ile-de-France et la province.
Dans leur combat, ils ont invoqué pêle-mêle la géographie ( »la nouvelle région serait aussi grande que la Belgique »), l’histoire (les annexions de 1870 et 1940), l’économie (tournée vers l’Allemagne), le contre-exemple de la Bretagne et de la Corse inchangées, ou l’identité alsacienne avec le risque d’une montée de l’extrême droite aux cantonales et régionales de 2015.
Multiples renforts
Depuis Mulhouse, où il poursuivait sa campagne pour la présidence de l’UMP, Nicolas Sarkozy a promis, si l’UMP revient au pouvoir, de «?défaire?» la carte de la réforme territoriale et affirmé que « l’Alsace est la région la plus ouverte au coeur de l’Europe ». Dans l’hémicycle, les élus alsaciens de droite ont reçu le renfort du coprésident du groupe écologiste François de Rugy, soutien de « la revendication légitime d’une région Alsace, qui a une forte identité et travaille depuis des années à une réforme territoriale ».
Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a lui tenté un appel au calme en formant « le voeu que le débat ne soit pas l’occasion de rajouter des tensions aux tensions, des passions aux passions dans ce pays ». Martelant l’absence « d’antinomie entre l’identité et la modernité », il s’est aussi voulu rassurant: « Strasbourg se trouvera plus forte si, dans son statut de capitale européenne, elle devient la capitale d’une grande région », le droit particulier des Alsaciens et Mosellans sera préservé…
La « Bretagne historique » n’est pas passée
Pour le nord, des socialistes, tel Bernard Roman, ont tenté en vain de repousser de trois ans la fusion du Nord-Pas-de-Calais avec la Picardie critiquée par la maire de Lille Martine Aubry, mais soutenue par exemple par l’ex-ministre Frédéric Cuvillier, pour lequel « La réponse à des souffrances qui peuvent être exploitées par des mouvements extrémistes n’est pas le repli sur soi ».
Des élus de gauche du sud ne sont pas parvenus à défaire la fusion Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, au profit d’une fusion de Midi-Pyrénées avec l’Aquitaine entre autres. Pas plus de succès pour les élus de divers bords voulant fusionner Centre-Pays de la Loire.
Des écologistes à l’UMP en passant par l’UDI, des bretons n’ont pas réussi à reconstituer la « Bretagne historique » à cinq départements, en rattachant la Loire-Atlantique, enlevée par «?décret de Vichy?». Ils chercheront donc à assouplir le « droit d’option », mécanisme prévu pour permettre à un département de changer de région une fois la nouvelle carte en vigueur en 2016.