Assignation à résidence élargie à la commune, fermeture de lieu de culte, périmètres de protection de sites à risque : les grandes mesures votées par les sénateurs.
Le Sénat a adopté dans la nuit de mardi à mercredi le nouveau projet de loi antiterroriste voulu par le gouvernement pour remplacer, au 1er novembre, le régime exceptionnel de l’état d’urgence en pérennisant et en inscrivant dans le droit commun certaines de ses mesures.
L’ensemble de la droite sénatoriale LR et centriste, majoritaire, mais aussi les sénateurs LREM et ceux du RDSE, à majorité PRG, soit 229 élus, ont voté en première lecture pour ce texte qui sera débattu en octobre à l’Assemblée nationale. En revanche, 106 ont voté contre : les socialistes, les communistes et deux ex-membres du groupe écologiste désormais disparu, Aline Archimbaud et Esther Benbassa.
Le Sénat a validé les modifications apportées au projet de loi par sa commission des lois en mettant en avant la défense des libertés publiques. Voici les grands points du projet de loi :
Les assignations à résidence (rebaptisées « mesures individuelles de surveillance ») seront ordonnées par le préfet, qui aura avisé auparavant le procureur. L’espace de l’assignation ne pourra être inférieur au territoire de la commune. Ces mesures viseront « toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ».
Le placement sous bracelet électronique pourra être inclus dans la mesure, qui sera de trois mois renouvelables. Au lieu d’un pointage quotidien prévu dans le texte, le Sénat a opté pour trois pointages par semaine.
Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, avait exposé en juin :
« L’assignation à résidence sera remplacée notamment par une obligation de ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique permettant le maintien d’une vie familiale et professionnelle. Ce périmètre ne pourra être inférieur à la commune. »
Mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (assignations à résidence donc), visites domiciliaires (euphémisme du projet de loi pour les perquisitions) et saisies : l’application des dispositions permettant de prendre ces mesures est limitée dans le temps, au 31 décembre 2021, comme l’avaient proposé les sénateurs en commission. Le projet de loi initial ne fixait pas de date limite. Les sénateurs ont, de plus, prévu une évaluation annuelle de l’utilité de ces dispositions.
La fermeture administrative de lieu de culte peut être décidée, pour six mois au maximum, par le préfet, pour des activités ou des propos tenus, ou des idées ou théories diffusées, s’ils « provoquent à la commission d’actes de terrorisme en France ou à l’étranger, incitent à la violence ou font l’apologie de tels actes ».
L’usage des périmètres de protection est circonscrit par les sénateurs aux abords de sites soumis au risque d’attaques terroristes. Les filtrages du public et des véhicules sont permis à l’entrée de ces sites, puis des fouilles et des palpations. Les sénateurs ont aussi renforcé les garanties relatives à la vie privée, professionnelle et familiale des personnes contrôlées au sein de ces périmètres.
Le système de suivi des données des dossiers de passagers aériens (PNR) est pérennisé. Le projet de loi adopté autorise aussi la création d’un nouveau traitement automatisé de données à caractère personnel pour les voyageurs de transports maritimes.
Les possibilités de contrôle dans les zones frontalières sont élargies.
Des mécanismes d’évaluation et d’encadrement des associations de prévention et de lutte contre la radicalisation ont été proposés par les sénateurs en séance publique.
Les agents des services de sécurité de la SNCF et de la RATP sont autorisés à transmettre en temps réel les images captées par leurs caméras individuelles lorsque leur sécurité est menacée.
Un nouveau cadre légal de surveillance des communications hertziennes est fixé.
Identifiants numériques : le projet de loi prévoyait que tout suspect relevant de la procédure d’assignation doive livrer ses contacts. Le Sénat a écarté la mesure en commission.
« Société du soupçon permanent »
Le texte avait été dénoncé par plusieurs organisations, dont Amnesty International France, la Ligue des Droits de l’Homme ou le syndicat de la magistrature (SM), mais aussi des personnalités comme le défenseur des droits Jacques Toubon, la juriste Mireille Delmas-Marty et le commissaire européen aux droits de l’Homme Nils Muiznieks.
Antiterrorisme : pourquoi intégrer l’état d’urgence dans le droit commun inquièteUne centaine de manifestants ont d’ailleurs défilé mardi devant le Sénat, à l’appel de plusieurs associations et syndicats, dont Droits devant, le DAL, le MRAP, ou l’Union syndicale solidaire, aux cris de : « État d’urgence, État policier ! Nous ne lâcherons rien de nos libertés ».
Le numéro un du PCF, le sénateur Pierre Laurent, avait annoncé qu’il allait « combattre le texte dans son ensemble ». Mais une question préalable de son groupe, dont l’adoption aurait entraîné le rejet de l’ensemble du texte en discussion, a été rejetée d’emblée.
Pour le ministre de l’Intérieur, la menace terroriste « est là, toujours prégnante ». « Nous voulons sortir de l’état d’urgence, mais nous ne pouvons le faire sans adapter notre dispositif de lutte contre le terrorisme », a dit Gérard Collomb. « Il nous reste encore à prendre des mesures qui nous semblent essentielles », a-t-il ajouté.
« La France ne peut se démunir contre le terrorisme« , a approuvé François-Noël Buffet (LR). « Il fallait donc ce texte. » « Vous arrivez à nous proposer une situation où on maintient l’état d’exception sans être dans l’état d’exception. Tout cela n’est pas crédible », a critiqué Jacques Bigot (PS).
« Avec ce projet de loi, la société qu’on nous propose de construire n’est même pas une start-up, mais une société du soupçon permanent, laissée entre les mains des pouvoirs administratifs, où le préfet et le ministre de l’Intérieur peuvent remplacer désormais les juges », a reproché Esther Benbassa.
Source : L’OBS 19/07/2017 (Avec AFP)
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