Une trentaine de parlementaires vont faire des stages en entreprise.L’association à l’origine de l’initiative veut que «deux mondes se rencontrent».
Ecourter ses vacances pour effectuer un stage en entreprise. C’est souvent à cela que se résume l’été d’un étudiant. Mais depuis peu, ce programme s’applique aussi à certains députés volontaires. Début juin, l’association patronale Entreprise et progrès lançait l’initiative « Moi parlementaire, une semaine dans les pas d’un PDG ». Objectif ?: suivre un stage dans une société pour rapprocher le monde des députés de celui des entreprises.
Une trentaine d’élus se sont portés candidats à l’heure actuelle, mais selon le président de l’association Denis Terrien, leur nombre s’accroît chaque semaine. « L’important, c’est de rendre possible la rencontre entre les deux mondes, explique-t-il. Les députés créent l’environnement favorable à l’emploi, les chefs d’entreprises créent l’emploi. Il faut qu’il y ait une adéquation. » En France, une minorité de députés ont travaillé dans une entreprise du secteur privé. « Et seulement 10?% peuvent se targuer de vraiment connaître le monde de l’entreprise. Alors qu’en Angleterre c’est 25?% et aux Etats-Unis c’est 45?% ! reprend Denis Terrien. Si on arrive à doubler ce chiffre en deux ans, on aura rattrapé la Grande-Bretagne, ce sera déjà très bien. »
Laurent Grandguillaume, député PS, a été le premier à se lancer. Son stage d’une semaine chez Nature et Découvertes a pris fin vendredi. Pour lui, l’expérience devait avoir une application très concrète. « J’ai déjà travaillé en entreprise et j’ai récemment effectué un tour de France des TPE, PME et ETI raconte-t-il. Mais je voulais pouvoir observer une société de près afin d’en tirer des propositions pour le prochain conseil de simplification auquel je participe. Et c’est le cas. » En une semaine, l’élu de gauche a fait un tour accéléré de Nature et Découvertes. « Réglementation, qualité des produits, dossiers à remplir… tout y est passé. En discutant avec la DRH, j’ai pu me rendre compte qu’une simplification des fiches de paye est nécessaire. »
Francis Vercamer, de l’UDI, est, lui aussi, déjà passé par la case entreprise privée, mais il soutient cette initiative et a prévu un stage début septembre. « J’ai accepté pour essayer de lancer un mouvement. Vu les inepties qu’on entend parfois au Parlement, cela ferait du bien à certains, commente-t-il. Et puis, c’est un bon moyen pour garder un pied dans la réalité. Le quotidien des entreprises évolue vite. » La chambre de commerce de l’Aveyron, inspirée par l’initiative d’Entreprise et progrès, a elle aussi proposé à ses députés d’effectuer un stage. Pour l’instant, aucun des trois n’a répondu à son offre.
Laurent Grandguillaume balaie le risque de lobbysme déguisé. « Nature et Découvertes ne m’a présenté aucune revendication. J’ai même rencontré les syndicats. » Mais Francis Vercamer ne cache pas que les entreprises vont pouvoir « passer leur message ».
Stage obligatoire ?
Jean-Charles Taugourdeau, député UMP du Maine-et-Loire, a présenté une résolution pour rendre ce stage obligatoire (lire ci-dessous). Mais les députés n’y sont pas favorables. « Jean-Charles Taugourdeau vient du monde de l’entreprise, il en a bavé, explique Bernard Gérard, député UMP du Nord et candidat pour un stage en septembre. C’est un appel qu’il lance. Il veut faire comprendre que le gisement de l’emploi se trouve dans les PME-TPE. Mais je ne pense pas qu’il faille aller jusque-là. » Plus catégorique, Francis Vercamer y est opposé. « Tous les députés n’ont pas forcément besoin d’une expérience en entreprise. C’est inutile pour ceux qui s’occupent de la commission de la défense. Nous sommes des personnes responsables, chacun est libre de déterminer ce qui est le mieux pour lui pour bien faire son travail. Et puis, ajoute-t-il, en France, on est déjà assommé par les règles, surtout dans le monde de l’entreprise. »