Chronologie économique mondiale XX siècle

 

Août 1914 Suspension de la convertibilité or des monnaies des

belligérants

1915 Dans les pays en guerre les pouvoirs économiques de l’Etat

s’accroissent considérablement ; les Etats s’endettent fortement

novembre 1917 La révolution soviétique débouche sur la nationalisation de

l’économie russe

1921 Fin de la crise de reconversion de l’économie de guerre et

début des années de « prospérité »

10 avril 1922 Conférence de Gênes, qui pose les principes du Gold

Exchange Standard

1923 Le tremblement de terre de Tokyo dévaste l’économie

japonaise

1924 Début du retour à la convertibilité or des monnaies

européennes (achevé en 1928)

1928 Début du premier plan quinquennal soviétique

24 octobre 1929 Krach de Wall Street (jeudi noir). La « grande dépression »

qui s’ensuit se propage rapidement au monde entier, et touchera les économies nationales pour une durée variable (« crise économique des années trente » ), sans terme unique et précis

1931 Moratoire Hoover sur les réparations allemandes

21 septembre 1931 Suspension de la convertibilité or de la livre sterling, remettant profondément en cause l’ordre monétaire de l’après-guerre

20 août 1932 Les accords d’Ottawa créent une zone sterling

1933 L’Allemagne hitlérienne organise une zone mark en Europe centrale

9 mars 1941 Loi prêt-bail, qui évite l’endettement extérieur de guerre pour les pays alliés

1942 Apogée territorial de la « sphère de coprospérité asiatique »

9 février 1942 L’Allemagne se lance dans la guerre totale

22 juillet 1944 Accords de Bretton-Woods 1945 Adoption dans la plupart des pays développés d’Europe de l’Etat-providence

1er janvier 1948 Premières négociations commerciales dans le cadre du GATT. Jusqu’en 1994 se succèdent les cycles de Genève (1947), Annecy (1949), Torquay (1950-1951), puis le Dillon Round (1961-1962), Kennedy Round (1961-1967), Tokyo Round (1973-1979), Uruguay Round (1986-1994)

1949 Création du CAEM

14 février 1961 Mise en place du « pool de l’or »

30 décembre 1964 Création de la CNUCED, émanation de l’AG/ONU, expression des intérêts économiques du Tiers Monde

15 août 1971 Suspension de la convertibilité or du dollar, pilier du SMI de Bretton-Woods

17 octobre 1974 Début du premier choc pétrolier (le baril passe de 3 à 12 dollars)

28 février 1975 Accord de Lomé entre la CEE et les pays ACP

13 mars 1979 Entrée en vigueur du SME (système monétaire européen, avec l’ECU comme monnaie de compte)

27 mars 1979 Début du second choc pétrolier (le baril passe de 16 à 32 dollars)

20 janvier 1981 L’arrivée de Ronald Reagan à la présidence des Etats-Unis amorce le tournant néolibéral des pays développpés

1er avril 1986 Contre-choc pétrolier (le baril est à 10 dollars)

6 octobre 1987 Début du krach boursier mondial

1989 L’effondrement des pays à économie planifiée ouvre la voie à la transition vers l’économie de marché

septembre 1992 Premières attaques spéculatives contre les monnaies européennes et le SME : s’ensuivent deux autres en janvier 1993 et août 1993, disloquant le mécanisme de solidarité monétaire du SME

1er janvier 1995 Entrée en vigueur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), « successeur » du GATT

23 août 1997 Krach de la bourse de Hong Kong, étape dans la crise financière et monétaire en Asie du Sud-Est

1er janvier 1999 Création de la zone euro : gel des parités des monnaies nationales des pays participants

avril 2000 Effondrement boursier de la bulle technologique

1er janvier 2002 L’euro devient la monnaie commune de 12 pays de l’Union

européenne

 

2008 Crise des subprimes

 

Voir aussi : Rubrique Economie, rubrique Histoire

David Graeber : les « Mésopotamiens, qui n’avaient pas de monnaie, pratiquaient le prêt à intérêt »

L'anthropologue anarchiste David-Graeber. Photo Jennifer S Altman

Avec son livre sur l’histoire de la dette, l’anthropologue britannique David Graeber jette un autre pavé dans la mare : la plupart des économistes se trompent sur la nature de la monnaie, du crédit et de l’endettement. Un livre « fascinant « , juge Gillian Tett dans le Financial Times.

Selon le schéma classique présenté par les historiens de l’économie depuis Adam Smith, la monnaie a remplacé le troc, et le crédit s’est développé par la suite. C’est faux, écrit Graeber : des relations de crédit et, donc, d’endettement très complexes ont de loin précédé l’invention de la monnaie?; quant au troc, il a toujours été un pis-aller, et ne s’est vraiment développé que dans des situations particulières ou de crise. En 3200 avant notre ère, les Mésopotamiens, qui n’avaient pas de monnaie, pratiquaient le prêt à intérêt et inscrivaient les transactions sur des tablettes. C’est cette  » monnaie virtuelle  » qui est à l’origine de la monnaie, et non le troc, conclut Graeber après avoir passé en revue toutes les civilisations connues.

Une vieille illusion
Analysant ensuite les grands cycles de l’histoire économique depuis l’Antiquité, il voit se dessiner deux types de périodes, marquées par une plus ou moins grande préférence pour le crédit. Ainsi, l’Empire romain privilégiait le paiement cash (en métal précieux), tandis que le Moyen Âge européen développait une préférence pour le crédit. Plus récemment, l’abandon de l’étalon-or, en 1971 a engagé l’Occident dans une nouvelle phase de préférence pour le crédit, et donc la monnaie virtuelle. En devenant excessive, cette inclination a conduit aux dérèglements actuels. Dans le passé, elle a fait chuter des empires. Ainsi de Rome, qui avait fini par abandonner la préférence pour le cash.

Pour Graeber, par ailleurs anarchiste patenté, la propension des économistes à négliger le rôle fondamental de la dette dans les sociétés est liée à un déni : ils n’aiment pas reconnaître que le crédit est au cœur des relations de domination. L’endettement est une construction sociale fondatrice du pouvoir. Les débiteurs insolvables ont nourri l’esclavage. Aujourd’hui, les emprunteurs pauvres, qu’il s’agisse de particuliers des pays riches ou d’États du tiers-monde, sont enchaînés aux systèmes de crédit. Forts de ce déni, les économistes entretiennent une vieille illusion : celle que l’opprobre est forcément à jeter sur les débiteurs, jamais sur les créditeurs. En sanskrit, en hébreu, en araméen, un même mot désigne la dette et la culpabilité. Le préjugé a la vie dure. L’histoire récente le montre, les États ont davantage tendu à protéger les créanciers. Le FMI et les agences de notation ont aussi été créés pour cela. Et nous avons oublié une leçon déjà enseignée par les dirigeants mésopotamiens : à partir d’un certain moment, si l’on veut éviter l’explosion sociale, il faut savoir effacer les dettes,  » effacer les tablettes « , dit Graeber. Le premier mot recensé dans une langue pour désigner la liberté est le sumérien amargi, qui signifie être libéré de sa dette (et, littéralement, avoir le droit de retourner à sa mère).

Le problème des économistes est qu’ils  » ignorent les relations humaines qui ne sont pas appréhendées par l’économie formelle » » dit Graeber. Que le Financial Times tresse des couronnes à cet anthropologue anarchiste en dit long sur le désarroi du monde financier.

Olivier Postel-Vinay (Book)

Voir aussi : Rubrique Livre, Essais, Dette les 5000 premières années, rubrique Histoire, rubrique Sciences humaines,