Puisque le Président de la République a décidé, pour séduire l’électorat FN, de faire de la loi sur la burqa un des éléments majeurs de l’année écoulée (ce qui n’est pas le cas), essayons d’aller un peu plus loin, pour voir ce qu’il y a sous elle (en tout bien tout honneur).
Toutes les sociétés ont essayé de réglementer la sexualité des femmes, et l’origine de cette obsession réside dans le fait que l’association « virginité avant le mariage/fidélité après le mariage » constitue une garantie de la paternité non adultérine des enfants, avec les conséquences que cela impliquait sur les transmissions des patrimoines –d’où la tolérance bien plus grande envers la sexualité des hommes, et une exigence sociale bien plus grande envers la pudeur des femmes qu’envers celle des hommes.
Remarquons d’abord que la seule virginité vérifiable (mais aussi la seule susceptible de garantir l’origine de la paternité des enfants) est la virginité vaginale, et que les femmes, musulmanes ou pas, ont toujours fait preuve d’assez d’imagination pour contourner cet interdit par d’autres pratiques sexuelles, qui se trouvent ainsi encouragées.
Notons aussi que si la religion a toujours été l’outil essentiel du contrôle de la sexualité féminine, elle n’en a pas été la seule : dans la société laïque française d’une bonne partie du XXe siècle, l’adultère était jugé comme une faute pénale (jusqu’en 1975), mais l’homme n’était puni que si sa maîtresse habitait au domicile conjugal, et la peine encourue était la prison pour la femme, et une simple amende pour l’homme.
On peut émettre l’hypothèse que le succès et la pérennisation de ce qui n’était, à son origine, qu’un système de sécurisation du patrimoine familial ne sont dus qu’au fait qu’ils ont rencontré un ressort psychologique profond, tout aussi universel, des hommes et jamais avoué : la hantise de la performance sexuelle peu brillante, ne permettant pas aux femmes d’atteindre l’orgasme.
Et si l’on considère que le but de toutes les « normes » sexuelles, c’est de nier le droit féminin au plaisir sexuel et à l’orgasme, qui serait l’apanage des hommes, bien de choses s’éclairent.
L’association « virginité avant le mariage/fidélité après le mariage » constitue une garantie de l’inexpérience sexuelle de la femme, et de son incapacité à faire des comparaisons qui risqueraient d’être peu flatteuses : comment se plaindre de l’absence de ce dont on ignore la possibilité et l’existence ? Quelle meilleure garantie, pour les hommes aux performances modestes, que le fait que leur femme s’imaginera que c’est ce qu’on peut faire de mieux ?
Comment expliquer la pratique de l’excision clitoridienne autrement que comme une tentative de supprimer la possibilité et le droit des femmes à l’orgasme, et son acceptation par les mères par leur refus inconscient que leurs filles connaissent ce qui leur a été interdit, ce qui serait perçu comme trop injuste ?
Comment comprendre autrement la promesse faite aux kamikazes musulmans des « 72 vierges qui les attendent au paradis » (notons, au passage, qu’on a l’air de batifoler davantage dans le paradis coranique que dans le paradis chrétien…), alors que l’homme sûr de lui préfèrerait sans doute des femmes sexuellement expérimentées à des vierges novices ? Et l’absence de promesse équivalente pour les femmes kamikazes ? Et qui ne voit que si, par extraordinaire, l’Islam décidait d’accorder aux femmes l’égalité des droits au plaisir sexuel, ce ne serait pas la promesse de « 72 puceaux » qui serait la plus enthousiasmante ?
Et l’on touche ici au point faible du « système » : en préférant l’inexpérience sexuelle féminine aux plaisirs plus risqués, mais plus riches de l’expérience sexuelle féminine, l’homme ampute aussi sa propre sexualité, préférant la sécurité à l’exploration et l’innovation : plutôt la burqa que le Kama-Soutra.
Lutter contre les limitations imposées à la sexualité féminine, c’est aussi lutter pour une sexualité masculine moins frileuse : la burqa n’est que la manifestation extrême de la peur que les femmes inspirent aux hommes, et sa disparition traduirait davantage l’émancipation sexuelle de l’homme qui l’impose que celle de la femme qui la subit.
Par ailleurs, la nature fait bien les choses : tout interdit sur la sexualité se transforme automatiquement en source de sensualité supplémentaire (au point que certains ont pu soutenir que le charme suprême de la sexualité — d’autres diraient de la perversion sexuelle — consiste à braver des interdits). On connaît des tas de romans du début du XXe siècle, où des hommes décrivent l’état de pâmoison dans lequel les avait plongés une cheville entr’aperçue d’une femme lorsqu’elle montait dans un tram… Il y a dans la burqa un côté sensuel un peu cérébral (mais, dans l’espèce humaine, l’érotisme, c’est le cerveau, et rien que le cerveau) de pochette-surprise : que va-t-on découvrir en la retirant ?
Elie Arié
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