Kakushin et les deux samouraïs de la world music

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Abbaye de Gigean. Les trois artistes improvisent sur un récit populaire japonais. Photo JMDI

Festival de Radio France. Kintsugi une création hybride de l’édition 2015. Rencontre et collision musicale de haute volée entre trois musiciens d’exception.

Sur le massif de la Gardiole, la haute silhouette en pierre de l’Abbaye St Félix de Monceau abritait au XIe l’ordre contemplatif des Bénédictines. Elle s’ouvre aujourd’hui sur le ciel. Il se dit que l’esprit d’un Ronin (samouraï déchu) serait venu errer dans les ruines à deux reprises les 20 et 21 juillet dernier convoqué par trois musiciens d’exception.

La japonaise Kakushin Nishihara (chant et Biwa) égérie post-moderne et underground, le violoncelliste surdoué adepte des figures libres et entremetteur Gaspar Claus, et le guitariste Serge Teyssot-Gay, l’un des trois fondateurs du groupe Noir désir qui poursuit une riche carrière nourrit de projets solos ou expérimentaux en collaboration avec des artistes du monde entier. Adeptes des plus folles aventures ces trois singuliers musiciens se sont retrouvés autour de la création Kintsugi produit par la Fabrique Coopérative dédiée aux musiques du monde Le Silo en partenariat avec les Festivals de Radio France et du Bassin de Thau.

« Avec Serge, nous souhaitions travailler ensemble sur un projet de collision musicale. Nous cherchions une troisième artiste et j’ai pensé à Kakushin avec qui j’ai travaillé au Japon il y a 8 ans, indique Gaspar Claus. Pour moi ce fut une rencontre importante, très forte, sans folklore. Kakushin a appris le chant et la pratique du biwa, un instrument vieux de 350 ans, auprès des plus grands maîtres japonais. Son chant puise dans l’histoire profonde et en même temps elle a l’allure d’une cyber punk. Et reste très ancrée dans le temps présent.»

Kintsugi s’inspire d’une pièce populaire du répertoire Kabuki, Kanjinch, basée sur une pièce du théâtre nô. Située à la fin du XIIe siècle, l’action met en scène l’odyssée d’un samouraï en fuite. Le récit chanté donne lieu à une improvisation des trois artistes.

Sur la voix d’outre tombe de Kakushin qui semble remonter d’un autre âge, s’appuie la partition du biwa. L’artiste japonaise frappe l’instrument en malmène les cordes avec un immense plectre triangulaire produisant une puissance musicale que ne renieraient pas les Sex Pistols. Très à l’écoute, Gaspar Claus, et Serge Teyssot-Gay habitent l’atmosphère de sonorités sauvages, presque étrangères à leur instrument.

« On créé quelque chose à trois de singulier, hors norme, qui affleure la poésie confie, Serge Teyssot Nos instruments à cordes ont beaucoup de similitudes le biwa partage des ancêtres commun avec la guitare. Avec Gaspar, on est attentif au confort de Kakushin. Elle se dit heureuse. On la malmène pourtant au niveau harmonique mais cela ne la perturbe pas. On a à faire à une chanteuse incroyablement solide. Parfois ça nous inquiète

Étrange en effet, ce sentiment d’évoluer dans un monde à la fois ancestral et actuel, connu et inconnu loin et concret dont l’emprise fascine. « C’est une forme de cérémonie qui se dessine au fur et à mesure des nouvelles dates,» analyse Gaspar.

Dates qu’il ne faudra pas manquer !

Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise 25/07/2015

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