Après
Après un puissant Timon d’Athènes, Frédéric Borie renoue avec Shakespeare en prenant le taureau par les cornes. Tragédie de la vengeance à large spectre, Hamlet est un animal fulgurant qui traverse les siècles. S’en saisir est un défi qui relève toujours un peu de l’exercice de style et de la captation du temps dans lequel on vit. L’intrigue semble simple. « Le roi du Danemark, père d’Hamlet, a été assassiné par son frère Claudius qui a épousé sa veuve et s’est emparé du trône. Le spectre de la victime apparaît sur les remparts du château d’Elseneur et demande à son fils Hamlet de le venger. » Mais l’enchaînement des situations et la cruauté du destin qui s’abat sur le personnage d’Hamlet le mettent dans l’incapacité de tenir son engagement.
Mise en scène irrésolue
Frédéric Borie épure le texte et modernise la langue. Il libère le spectateur d’une réflexion trop pesante. Sur le fond, il conserve le cadre classique du drame tout en nous menant sur les traces d’un Hamlet contemporain. Par moments, les brides de la modernité semblent trop retenues. Certaines scènes comme celle du spectre manquent de force. D’autres fonctionnent à merveille, comme celle des comédiens où le théâtre se regarde dans un miroir révélateur. Entre académisme et modernité, entre musique cérémonieuse et larsens, entre habits d’époque et costards trois pièces, le metteur en scène semble s’être pris au jeu de l’irrésolution mais il épouse le drame en lui donnant un reflet intense et sensible.
Inquiétude éternelle
A propos de la pièce, Borie évoque « le récit de jeune gens fauchés dans la fleur de l’âge par les inconséquences parfois énigmatiques de leurs aînés. Offrant le rôle titre à Nicolas Oton, dont la vigueur nerveuse convient bien à l’instabilité du personnage, le jeune metteur en scène a concentré son travail sur la tragédie familiale. Un des derniers lieux qui trompe l’indifférence générale, et où se déchaînent encore les passions. La quête de vérité d’Hamlet se pare des habits de la vertu comme elle prive le personnage de ses facultés d’agir. Ce mal être nous entraîne sur le chemin intérieur du personnage, qui dépend des autres, autant qu’il peut sarcastiquement les rejeter. De cette inquiétude éternelle la mort finit par triompher. Borie met en exergue l’aspect solaire du parcours, tout en découverte du jeune prince »en ayant préalablement pris soin de délaisser l’aspect historique et politique de l’œuvre. On touche là aussi la fragilité de notre temps. Un temps qui file vers le tragique, à l’image de l’eau qui monte sur la scène sans que personne ne s’en soucie…
Jean-Marie Dinh
Coproduction avec le CDN de Montpellier Et Le Cratère (Scène nationale d’Alès et l’Ecole Nationale d’Art Dramatique de Montpellier.)
Au Théâtre de Grammont du 19 au 23 janvier (réservations : 04 67 99 25 00)