D’origine camarguaise, Pierre Torreilles (1921-2005) est un résistant dans tous les sens du terme. Durant la guerre, il participe au maquis du Vercors. A la Libération, il s’installe à Montpellier où il crée la librairie Sauramps, du nom de son beau-père Henri Sauramps. Il se fonde une réputation internationale en tant que défenseur du livre. Ce poète du Sud poursuit le combat dans son œuvre avec la même exigence. Il attribue à la poésie une responsabilité ontologique que défendent aussi des poètes comme Reverdy, Salah Stétié, ou Yves Bonnefoy avec qui il entretient d’étroites relations tout comme avec les peintres Olivier Debré, Tal Coat, Louis Cordesse… Dans son travail, l’artiste traque la lumière et partage les recherches sur l’espace comme ses amis peintres. D’où cette écriture où l’espacement entre les mots, le silence des blancs fournissent les respirations du poème. Pour cette périlleuse recherche de vérité, l’œuvre de Torreilles sera comme celle de son ami René Char qualifié d’hermétique. « J’ai choisi le plus difficile. J’ai choisi de n’être pas compris. J’ai choisi d’être entendu seulement. »
« Heurtant l’être de l’apparence
Quelle innocence nous convie ?
Quand n’est plus ce que nous savions ?
Temps ouvert à l’éternité
Pur éveil sans mémoire (…)
Que veille cette enfance ? »
Paule Plouvier souligne la radicalité avec laquelle l’homme et le poète s’attache aux voies qu’il explore : « La poésie comme poésie de la poésie, critique du langage conceptuel, méfiance vis-à-vis de l’image, adhésion à une philosophie de l’origine. » En adepte de l’expérience extrême, Torreilles tente de s’approcher au plus près d’une vision absolue. Vision que Paule Plouvier situe chez lui « au confluent de deux courants de pensée dont la constance traverse l’œuvre, le courant hellénique et le courant judaïque. »
Jean-Marie Dinh
Pierre Toreilles Poète, édition L’Harmattan 17,5 euros