Négos . La France «réactionnaire» ? Les propos du président de la Commission provoquent un scandale.
La riposte ne s’est pas fait attendre. Hier, c’est à peu près tout ce que la France compte d’acteurs (et pas uniquement au sens cinématographique ou théâtral du terme) impliqués dans le secteur culturel, qui s’est levé d’un bond pour fustiger les propos tenus dans l’International Herald Tribune par José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, contre la notion d’exception culturelle. Critiquant la volonté de la France d’exclure le secteur audiovisuel du mandat de négociations commerciales avec les Etats-Unis, Barroso a taclé une telle attitude : «Cela fait partie de ce programme antimondialisation que je considère comme totalement réactionnaire.»
Cordon. Lors d’un point de presse, un porte-parole de la Commission, Olivier Bailly, a joué comme il a pu les démineurs, affirmant que la remarque de Barroso ne visait pas la France, mais «ceux qui en parallèle ont lancé des attaques personnelles contre le président [Barroso], souvent violentes et injustifiées contre la Commission». Visé par la circonlocution, le cinéaste Costa-Gavras. Lequel, la semaine dernière au Parlement européen, à Strasbourg, qualifiait Barroso d’«homme dangereux pour la culture européenne» – d’autres réalisateurs européens, comme Pedro Almodóvar ou Manoel de Oliveira l’ayant traité dans une lettre ouverte de «cynique, malhonnête et méprisant».
Dans l’entretien publié par le journal américain, Barroso s’est déclaré en substance favorable à la protection de la diversité culturelle, mais sans pour cela mettre un cordon sanitaire autour de l’Europe. Annonçant le barouf, le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, assurait dimanche, de son côté, que la non-inclusion de la culture dans le champ de la négociation à venir n’était que «provisoire» et réajustable.
Un véritable départ de feu qui a donc fait sortir de toutes parts – droite et gauche confondues – les lances à incendie. Offusquée, la Société française des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) s’est étonnée qu’«un président de la Commission européenne puisse se permettre d’utiliser le qualificatif de « réactionnaire » à l’égard d’un Etat membre de l’Union», regrettant d’autant plus cet égarement coupable que cette critique «vaut également pour le Parlement européen qui a voté, le 23 mai, une résolution à une majorité des deux tiers pour demander le respect de l’exception culturelle».
Hébétude. A son arrivée au sommet du G8 à Lough Erne, en Irlande du Nord, le président de la République, François Hollande, a feint l’hébétude – «Je ne veux pas croire que le président de la Commission européenne ait pu tenir des propos sur la France qui seraient ainsi formulés» – et rappelé que l’exception culturelle «est un principe qui a toujours été évoqué et à chaque fois écarté des négociations commerciales » menées ces dernières décennies.
Depuis Paris, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a ensuite tenu une conférence de presse, hier après-midi. «Notre position n’est pas défensive, ni conservatrice et encore moins réactionnaire, c’est une position résolument moderne», a affirmé la ministre, qualifiant au passage les propos de Barroso de «consternants» et «inacceptables».
Source : Libération 17/06:12
L’interview de patron de la Commission européenne a provoqué une avalanche de réactions indignées.
Le député PS de Paris, Jean-Christophe Cambadélis, en charge des questions internationales rue de Solférino, a estimé que José Manuel Barroso « doit revenir sur ses propos ou partir ! »
« C’est stupéfiant et intolérable. Rien n’autorise un président coopté par ses amis de droite au pouvoir en Europe de faire la leçon à la France. Rien n’autorise Monsieur Barroso à juger une décision unanime du Conseil », s’insurge le premier vice-président du Parti socialiste européen (PSE).
Même tonalité de la part de Rachida Dati. L’eurodéputée a exigé la démission de José Manuel Barroso, estimant qu’il « se couche devant les Etats-Unis ».
Le chef de file des députés UMP-PPE (centre-droit) au Parlement européen, Jean-Pierre Audy, a de son côté qualifié de « curieux » ces propos.
« La Commission européenne ne fait que proposer et ce n’est pas elle qui décide. Il est curieux que le président de la Commission européenne fasse de tels commentaires après les positions politiques claires prises sur ce sujet tant par le Parlement européen que par les gouvernements des États membres », a-t-il dit.
Dans le camp des eurosceptiques, l’ancien candidat à la présidentielle de 2012, le souverainiste Nicolas Dupont-Aigan (Debout La République), a ironisé sur son compte Twitter qualifiant le patron de la Commission européenne de « vendu » :
Voir aussi : rubrique Politique Culturelle, rubrique UE, On line Exception culturelle : la France gagne son bras de fer, Je ne transigerai pas sur l’exception culturelle »