Invité des soirées Rabelais avec Julien Loiseau à Montpellier, l’historien Nicolas Le Roux a coordonné le volume Les guerres de religion dans le cadre d’une nouvelle approche de L’histoire de France (13 tomes dont quatre déjà parus) aux Editions Belin.
» Comment vous êtes-vous retrouvé impliqué dans cette entreprise éditoriale titanesque ?
C’est une vieille histoire avec Joël Cornette qui a édité plusieurs de mes ouvrages. Après Lavisse, cette démarche propose un nouveau modèle pour aborder l’Histoire de France. Elle induit notamment de nouvelles trames chronologiques. Pour la période des guerres de religion qui sont traditionnellement abordées entre 1562 et 1598, nous partons de 1559 pour aller jusqu’en 1629. Cela permet de considérer ce qu’il se passe avant l’Edit de janvier en 1562 et ce qui se poursuit après L’Edit de Nantes (1598). L’idée de Joël était aussi de faire appel à une génération d’historiens plus jeunes dont l’âge se situe entre 40 et 50 ans.
Peut-on parler d’un conflit de générations dont découlerait une différence de regards sur l’histoire ?
Il n’y a pas de conflit de générations mais une différence existe entre les historiens de 60 ans et plus et notre génération qui s’est débarrassée d’un certain sectarisme. Il n’y a plus d’école. On n’aborde pas les guerres de religion en fonction d’une obédience catholique ou protestante. L’histoire s’est désidéologisée. Hormis le cas de la révolution française où s’est affiché le parti pris d’écarter le modèle triomphant de François Furet qui s’est focalisé sur le rôle de l’idéologie au risque d’une interprétation révisionniste de l’histoire.
Cet abandon des modèles est un défi notamment à l’égard des lecteurs qui y sont souvent attachés …
Tout est à réinventer. Mais en même temps c’est une histoire avec des murs de verre. Chaque volume comporte » un atelier de l’historien » qui donne les clés et les sources aux lecteurs. L’historien y explique son travail, c’est l’histoire de l’histoire. Ce n’est pas simple. Il y a vingt ans on pensait soit que le lecteur n’avait pas besoin de le savoir, soit qu’il ne le devait pas.
Le croisement des sources lié à l’interdisciplinarité multiplie les angles d’approche…
Les historiens d’aujourd’hui sont pluridisciplinaires. On connaît les sciences humaines. Notre travail intègre l’anthropologie, la sociologie… Dans le volume sur les guerres de religion, je développe des questions comme celles de la violence et sa justification ou ce qui est plus compliqué la question de la paix. Comment parvient-on à faire la paix ?
Vous mettez aussi le doigt sur la redéfinition de l’autorité ?
J’aborde en effet la question de la bonne gouvernance et celle de la souveraineté. La monarchie du XVII ème se construit sur la mémoire du régicide d’Henri III. Durant cette période, il est aus-si question de la tolérance religieuse qui peut à certains égards faire écho à notre époque.
Comment aborder l’histoire de France face au défi de la mondialisation à l’heure du débat sur l’identité
nationale ?
Il n’y pas de contradiction entre l’histoire de France et celle du monde. On recadre la situation géopolitique en prenant en compte les enjeux politiques de Philippe II en Espagne et la guerre aux Pays Bas. L’histoire n’est plus pensée en terme d’identité nationale. Il n’y a pas de destin français exceptionnel, ni de supériorité morale. De ce point de vue on n’est plus dans la même op-tique que Lavisse. Pour comprendre la France, il faut connaître ce qui se passe autour. L’histoire de France est une histoire particulière parmi d’autres « .
Recueilli par
Jean-Marie Dinh
Les guerres de religion, 36 euros, Editions Belin