Rockstore : 30 ans de nuits douces et sauvages

Antoine  Winling : l’ouverture en héritage. Photo JMDI

Antoine Winling : l’ouverture en héritage. Photo JMDI

Antoine Winling a rejoint l’équipe qui préside à la destinée d’un lieu et d’un esprit qui traverse les générations. A l’occasion des trente ans du temple à la Cadillac rouge, il évoque les rouages d’une mécanique singulière.

Haut lieu de la vie nocturne montpelliéraine, le Rockstore fête ses 30 ans. La salle de concerts mythique avec sa légendaire Cadillac rouge encastrée dans la façade du centre ville, rue de Verdun a accueillis plus de 4 000 concerts depuis 1986. L’année 2016 marque une nouvelle étape dans l’histoire du Rockstore.

La programmation béton et éclectique dédiée à cet anniversaire sur un mois complet, se poursuit jusqu’au 19 novembre avec des concerts exceptionnels, (Wall of Death, Puppetmastaz, Catherine Ringer, DJ Shadow, Michael Kiwanuka… et l’expo RockStories, à découvrir à la Galerie d’Art La Fenêtre. La force du lieu tient à son esprit underground et ouvert défendu par un quatuor  virtuose composé de Stéphane, Laurent, Olivier et Antoine, le fils de Fifi qui fut un des membres fondateurs. Rencontre.

 
Il se dit que tu es tombé dedans  petit. Quels sont tes premiers souvenir du Rockstore ?

Je suis né en 84, au début je venais en journée. A l’âge de douze ans, j’y ai vu mes premiers concerts. Je me souviens qu’il y avait beaucoup de fumée. A l’époque le public était très alternatif, tatoué, percé… J’ai mesuré l’importance du lieu dans le regard des autres, car mon père n’était pas du genre à faire état de ses faits d’armes en faveur du rock. Tous les gens autour de moi avaient une petite histoire vécue au Rockstore. Moi, j’habitais à Sète, j’étais un peu loin de tout ça. Je me souviens d’un prof qui avait flashé sur un tee-shirt que mon père m’avait ramené. A partir de 15 ans, je suis venu plus fréquemment.

 

Et par la suite, comment la mayonnaise est montée ?
Durant mes études d’histoire et de sciences politiques, j’ai commencé à travailler ici la nuit. Hormis la sécu, j’ai un peu tout fait, du vestiaire au bar en passant par les platines. Et puis après mes masters je me suis laissé prendre.  Je gagnais ma vie et  les contacts avec les producteurs et les tourneurs m’intéressaient. Il y a trois ans, les choses se sont précipités avec le décès de mon père. Stéphane, Laurent, Olivier, sont venus me dire qu’ils voulaient bosser avec moi. Même ma mère qui n’était pas très chaude à la base m’a encouragé. J’ai réfléchi et j’ai dit ok.

 

 

La spécificité du Rockstore tient à son identité qui a toujours évolué sans perdre son âme rebelle. Quel regard portes-tu sur cette évolution ?
A la base, tout part de la culture rock. Je pense que l’héritage que nous a laissé mon père c’est le goût de l’authenticité  et la capacité d’ouverture. Le fait de maintenir sa curiosité musicale éveillée.  J’ai vu évoluer la programmation comme je l’ai observé s’élargir du rock, pop,  au hip-hop et à l’électro. Notre particularité  est de se trouver au centre-ville et d’y développer une double activité, avec les concerts et la boîte, cela  avec la volonté constante de faire profiter les acteurs locaux du lieu. En tant que salle de concert et lieu culturel, on à la possibilité de programmer 365 jours par an. Ce qui permet de prendre les risques artistiques nécessaires à notre démarche.  Tenir cette ligne sur trente ans, à ma connaissance, ça n’existe nulle part ailleurs.

 

Ce mois d’anniversaire est un beau cadeau pour le public…
Je l’espère. Nous avons pensé une programmation qui puisse  concerner tous les publics aussi bien dans les styles musicaux qu’à travers les générations.  Nous souhaitions aussi sortir des murs ce que nous avons fait avec l’ avant-première du film de Jarmush  Gimme Danger  projetée au cinéma Diagonal et l’expo à la Galerie d’Art La Fenêtre.

Sinon, je compte bien fêter nos 60 ans avec la même équipe et la même énergie. Après on tirera notre révérence…

Recueilli par JMDH

Voir aussi : Rubrique Montpellier, rubrique Musique, Rockstore: L’esprit vivant du rock hante cette salle, rubrique RencontreOn line le site du Rockstore,

The Limits of control. Jarmush toujours un peu plus loin

THE LIMITS OF CONTROL

Limits of control s’inscrit comme un retour aux sources du cinéma américain indépendant et alternatif. Une voie ouverte à l’ombre de Hollywood par John Cassavetes qui a démontré que l’on pouvait faire de grands films avec presque rien. Au fil d’un parcours étrange, Jarmush concocte un film d’action sans action. Le réalisateur de Stranger than Paradise nous convie dans son univers subjectif et sensoriel en faisant de nombreuses références à sa filmographie (Mystery train, Dead Man, Night and Earth, Coffee and Cigarettes). Les amateurs s’amuseront à trouver des indices, les autres prendront le choc de plein fouet. Entre l’expérimental et le film d’espionnage, on suit l’anti-héros ascétique (l’acteur franco-ivoirien Isaac de Bankolé) dans un jeu de piste ponctué de rencontres ritualisées. La balade nous conduit de Madrid à l’Andalousie. Le réalisateur assemble les pièces d’un puzzle pour construire une mécanique implacable et sans concession. Une forme de retour à l’envoyeur, il n’y a pas d’arrangement, ne cherchez pas à comprendre, c’est comme ça, dit ce film qui pousse ses spectateurs dans les abîmes du XXIe siècle pour réaffirmer la liberté du septième art. Il y a ceux qui se déplacent en permanence et ceux qui fixent le point d’arrivée sans bouger. Pour ces derniers, le temps du voyage semblera vide. Avec Jarmush, on est au cinéma comme l’on regarde défiler la route, calés sur la musique qui s’échappe du poste de la bagnole. Dans le film, un message simple et radical revient comme un leitmotiv : « Ceux qui se sentent, supérieurs doivent aller faire un tour au cimetière pour comprendre ce qu’est la vie… » Autant dire qu’il va falloir faire de la place dans ce monde hyper concurrentiel. The Limits of control est à condamner au Panthéon du cinéma anti-commercial, par contumace.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Cinéma Jim jarmush et Iggy,