Yves Bonnefoy : Passage migratoire d’un poète du printemps

A l’invitation de La Maison de la poésie et de la librairie Sauramps, Yves Bonnefoy a fait une escale furtive à Montpellier. Mercredi dernier, le poète était à la médiathèque Emile Zola où il a offert un florilège de son choix en y associant  des textes dont il est le traducteur comme ceux du poète italien Giacomo Léopardi ou du dramaturge Shakespeare. Le lendemain, dans l’Auditorium du Musée Fabre, Yves Bonnefoy évoquait son ouvrage « Notre besoin de Rimbaub. » Yves Bonnefoy, comme Salah Stétié, sont des poètes qui ont développé des notions du temps suspendu, temps intérieur, pour s’éloigner du simulacre, ce qui permet précisément de pénétrer l’œuvre rimbaldienne. Pour Bonnefoy, la poésie conserve un devoir critique. Elle ne se situe pas du côté de ceux qui réussissent. Le souci du lieu qui hante l’œuvre du poète, n’a rien de commun. L’espace observé est celui « d’un lieu instant du péril ». Il faut savoir prendre le contre-sens de la médiation par l’image pour percevoir l’œuvre de Rimbaub et la replacer intuitivement dans notre paysage contemporain. Mettre en question de façon radicale la réalité quotidienne. Le rapprochement brut d’Yves Bonnefoy avec les surréalistes fut une occasion de faire « chaire neuve » pour s’approcher de la réalité, pour mener un combat spirituel dans une âme du temps et de l’espace. Au crépuscule de sa vie, l’artiste ne semble pas s’effrayer devant la mort. Il ne semble pas serein non plus. Epris de lucidité, il nous invite à penser la vie dans sa situation présente, comme « un moment où doit renaître la relation humaine à partir d’un état de dispersion ». Deux soirées éclairantes où de nombreux montpelliérains venus boire de ce vin, ont  épancher leur soif.

Jean-Marie Dinh

Yves Bonnefoy dernière ouvrage paru , Raturer outre, 2010 aux éditions Galilée.
Prochaine rencontre à  la Maison de la Poésie le 21 avril à 19h autour du poète italien Michele Tortorici, son éditeur et son traducteur.

Voir aussi : Rubrique Poésie, Les poètes circulent en ville, Rencontre Jean Joubert, Bernard Noël, Gabriel Monnet,

Quignard au-delà du savoir

pascal_quignardOn ne naît pas impunément dans une famille de grammairiens. Mais que l’on se rassure, voir et entendre Pascal Quignard est une chose toute différente que de le lire. L’occasion nous en était donnée cette semaine à l’auditorium du Musée Fabre où le lettré était l’invité de la librairie Sauramps. Avant d’évoquer son dernier livre, Boutès, avec Nathalie Castagné, l’auteur en a lu le premier chapitre. Pris par l’expédition des Argonautes pour retrouver la toison d’or, le héros, Boutès, rencontre les sirènes. Mais à l’inverse d’Ulysse, qui reste attaché à son mât, Boutès plonge dans la mer. Ce geste, à première vue insensé, ne l’est certainement pas, suggère l’écrivain dont le cheminement vise à y trouver un sens. C’est autour de ce saut, « l’élan de Boutès vers l’animalité intérieure » que tourne son livre.

« Après La nuit sexuelle, je voulais m’accorder un peu de répit, indique Pascal Quignard, mais il y a eu cet épisode au Banquet de Lagrasse (1) qui m’a donné un sursaut pour défendre les lettres. » Retour donc vers ce mythe grec méconnu pour évoquer « la musique qui a le courage de se rendre au bout du monde. » Boutès répond à l’appel ancien de l’eau, un irréel qui n’est pas du passé, affirme l’écrivain.

JMDH

Pascal Quignard, Boutès, Éditions Galilée, 2008

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En 2007 lors du festival qui avait pour thème La nuit sexuelle en hommage à Pascal Quignard, 12 000 livres ont été saccagés par un mélange de gas-oil et d’huile de vidange dans l’abbaye rachetée pour partie par le Conseil général (des moines traditionalistes vivent dans l’autre partie de l’abbaye). A ce jour l’enquête du SRPJ n’a toujours pas abouti.