Le cinéaste italien Ettore Scola est décédé mardi à l’âge de 84 ans à Rome. Le réalisateur des chefs d’oeuvre Une journée particulière et Nous nous sommes tant aimés était un homme engagé. L’Express fait le point sur quelques aspects méconnus de sa personnalité.
« En vieillissant, je garde ma curiosité. Et la curiosité, c’est l’envie. L’optimisme ». Cette citation presque philosophique d’Ettore Scola, tirée d’une interview en 2010 accordée à Nice Matin, pourrait résumer son oeuvre. Le réalisateur de chefs d’oeuvre tels que Une journée particulière ou encore Nous nous sommes tant aimés, mort ce mardi à 84 ans, fut un auteur prolifique, aux nombreuses passions et engagements. L’Express revient sur des aspects parfois méconnus de sa personnalité.
Dessinateur de presse
Ettore Scola a fait des études de droit. Mais très tôt c’est vers les médias qu’il se dirige. A la fin des années 1940, son premier métier n’est autre que dessinateur de presse. Il participe à une revue humoristique, l’hebdomadaire satirique Marc’Aurelio, avant de se lancer dans le cinéma. « Ce journal a joué un rôle très important en Italie, un peu comme chez vous Charlie Hebdo ou Le Canard enchaîné. Marc’Aurelio, dont le tirage a atteint un demi-million d’exemplaires, était un véritable îlot de liberté. Bien sûr, il y avait le fascisme, la censure était vigilante mais, dans les pages de ce journal, se faufilait un sentiment de rébellion », expliquait-il dans Le Monde en 2013. A ses côtés, on retrouve d’autres plumes emblématiques comme son ami Federico Fellini. En juin 2012, Ettore Scola expose même ses fameux dessins de presse à Paris. Dans une interview au Figaro, il confie toujours dessiner « énormément ». « C’est un instrument en plus, très utile. Cela permet de donner des esquisses aux scénaristes, aux costumiers, pour la photographie. Je continue de le faire. Automatiquement. Même quand je parle au téléphone, sans finalité précise. »
Scénariste plutôt que réalisateur
Si Ettore Scola a réalisé près de 40 films en 40 ans, l’homme est tombé dans la réalisation un peu par hasard. Etonnamment, il a regretté d’avoir abandonné son métier de scénariste. « C’est [Vittorio] Gassman qui m’a presque obligé à réaliser ce film [Nous nous sommes tant aimés], j’étais content. Malheureusement, je suis ainsi devenu metteur en scène et j’ai abandonné le métier de scénariste, à regret: écrire un scénario, c’est un travail plus intellectuel, seul chez soi. Tandis que le metteur en scène, c’est celui qui a toutes les emmerdes, tout le monde vient vous trouver, vous pose plein de questions. Metteur en scène, c’est un métier d’esclave ! », rapportait le journal belge La Province.
En effet, il a signé une vingtaine de scénarios, dont de nombreuses comédies. De 1953 à 1965, il est l’auteur de trois films dont en 1965 Il Gaucho de Dino Rossi. Il a débuté comme « script doctors », consultant en scénario. « Oui, je faisais le nègre pour des gens comme Dino Risi, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman ou Marcello Mastroianni, mais sans jamais que mon nom apparaisse. J’ai aussi écrit pour Toto -immense acteur populaire en Italie-, mais c’était une horreur d’écrire pour lui ! »,des propos rapportés par La Province.
Un parcours parsemé de récompenses
Nommés à plusieurs reprises aux Oscars, c’est en Europe qu’Ettore Scola est consacré. Il reçoit pas moins de quatre césars, en 1977, 1978 et deux en 1984, mais aussi six Rubans d’argent en Italie en 1966, 1978, 1980, 1981 et deux en 1987. Ettore Scola est aussi primé à Berlin avec l’Ours d’argent en 1984, ou encore la Mostra de Venise en 1990 et 2013, et bien sûr au Festival de Cannes en 1976 et 1980. Il en sera d’ailleurs le président du jury en 1988.
Permette rocco papaleo 1971
Engagé en politique
Ettore Scola est un homme de gauche convaincu, proche du Parti communiste italien d’Enrico Berlinguer et plus récemment du Parti Démocrate. Au début des années 70, il a même tourné des documentaires pour le PC, notamment sur les fêtes de l’Unita, le quotidien du parti, ou sur des luttes emblématiques. Il devient même ministre de la Culture d’un cabinet fantôme formé en 1989 par les dirigeants communistes italiens.
En 2004, une réplique de Silvio Berlusconi provoqua la colère du réalisateur. L’ancien Cavaliere déclara notamment que la preuve de son libéralisme était qu’il [sait] faire des films à un communiste comme Ettore Scola ». Indigné, Ettore Scola promit de ne plus réaliser de film tant que Silvio Berlusconi serait au pouvoir. En 2012, dans un portrait de Libération, il en dit plus sur son engagement au sein du parti communiste. « C’était comme un bouclier, nous étions ancrés dans notre foi et sûrs de nos valeurs, puis tout s’est effondré. Mais si l’idéologie est morte, il reste les idées, et ce rêve d’un monde plus juste », précisait alors le cinéaste, ravi de voir les Indignés reprendre le flambeau.
Amoureux de la France
Reçus sur les plateaux télé et radio, récompensés à de nombreuses reprises au Festival de Cannes et aux Césars, Ettore Scola aime la France. Une quinzaine de ses films sont d’ailleurs des co-productions franco-italiennes. Il a aussi fait tourner de nombreux acteurs français comme Jean-Louis Trintignant, Serge Reggiani ou encore Fanny Ardant, Philippe Noiret ou Gérard Depardieu.