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Un ouvrage qui tombe à pic au moment où l’Insee nous apprend que la France vient d’entrer en récession ! L’économiste Jean-Luc Gréau constate que le débat de fond en matière de politique économique a disparu, avant de s’interroger sur le fonctionnement insensé de la sphère financière.
L’essai dénonce la marginalisation des économistes qui ne font pas acte d’allégeance à la nouvelle doctrine dominante, en soulignant au passage que la prise de pouvoir par les néo-libéraux ne traduit pas un renouveau de la réflexion économique. En d’autres termes, les tenants de la pensée unique seraient incapables de dépasser les limites plus qu’avérées de leur théoricien Milton Friedman, qui a dénoncé l’interventionnisme économique de l’Etat comme une source de perturbation pour les décisions rationnelles des agents économiques. Décisions qui, comme chacun sait, n’ont de rationnel que l’augmentation des dividendes des actionnaires.
L’auteur suit le chemin de l’examen critique du libre-échange en s’interrogeant sur les concepts de concurrence ou de dérégulation: « La concurrence signifie que les vendeurs ne sont plus assurés du montant approximatif de leur vente, qu’ils peuvent aussi être évincés du marché, du fait de rivaux bien mieux armés (…) La dérégulation organisée de la production ne garantit pas le surgissement d’une concurrence effective : on peut même aboutir à un résultat contraire, comme le montre l’expérience américaine en matière de production d’électricité. » L’auteur file encore à contre-courant lorsqu’il soutient que, bien conçu, le protectionnisme représente l’arme maîtresse de toute politique d’attractivité d’un territoire qui s’avèrera d’autant plus forte et durable que les autorités publiques l’auront intelligemment protégé.
En somme, l’analyse théorique et pratique de Luc Gréau marque tous les poncifs du raisonnement néo-libéral du sceau de la perplexité. En ces temps de risque systémique et de purge méthodique c’est aussi à la rénovation des esprits qu’appelle Luc Gréau.
Jean-Marie Dinh
La trahison des économistes, éd itions Gallimard, 15,5 euros