Rencontre
Salah Al Hamdani fait jaillir des mirages où se dessinent les contours flous de son pays avec des mots synthétiques qui disent comment saigne toujours son cœur. « Sur la ligne du soleil mon horizon galope. J’entends sous les nuages les battements de Bagdad et toi, toujours aussi loin de l’éclipse ». L’Irak qu’il a quitté à l’âge de 23 ans fuyant le régime de Saddam Hussein, il en colporte toujours la beauté pour « ne pas laisser faire les bourreaux » de tous bords.
La poésie il l’a découvre sur les murs de la prison où il séjourne aux côtés d’intellectuels opposés au régime baassiste. « On m’a considéré comme prisonnier politique parce qu’après m’être engagé dans l’armée à 17 ans – le seul moyen qui s’offrait à moi pour subsister – je me suis opposé au traitement que nous réservions aux Kurdes. En prison quelqu’un lisait des poèmes tous les soirs. Moi, je ne savais rien, la poésie est venue à moi. Avec le temps j’ai compris la force des mots, qui peuvent tuer. »
Condamné par le régime, il quitte son pays sous la contrainte et choisit la France sans la connaître, par estime pour Camus. Quatre ans plus tard, après s’être marié, il connaît le succès en tant que comédien. Il fonde La ligue des artistes irakiens démocrates pour poursuivre son combat politique. « Nous considérions que le régime ne laissait aucune place à l’expression libre. Et menions la lutte de l’extérieur. Ce combat n’était pas de tout repos. En France, je me suis fait tabasser par des fascistes arabes qui étaient à la solde de Saddam. »
Durant trente ans Salah Al Hamdani vit sans voir l’aurore de son pays. Il coupe toute communication avec sa famille pour les protéger des représailles. Cette situation qui nourrit sa poésie est vécue comme une douleur constante. « Je voudrais échapper à mon exil, être quelqu’un d’ordinaire. Mais rien ne me sauve de cette situation. Je n’y parviens pas. » Un an après la mort de Saddam, Salah retourne clandestinement en Irak. Il retrouve les siens. « Quand je les ai vus j’ai eu peur, je me suis dit qu’en me prenant dans leurs bras ils allaient me tuer. On ne savait pas quoi faire, pas quoi se dire. Ma mère avait déjà fait son deuil… » Le poète traduit cette situation de l’exil dans le film documentaire Bagdad-Paris de Emanuèle La grange programmé en sa présence dans le cadre d’Arabesque.
Jean-Marie Dinh
Dernier recueil paru « Au large de la douleur » éditions l’Harmattan 12 euros
Voir aussi : Rubrique Méditerranée, rubrique Irak, rubrique Festival, Arabesques 2011, rubrique Rencontre, Rabah Mézouane,