Le Goncourt sacre Michel Houellebecq

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"La carte et le territoire"

Michel Houellebecq a reçu lundi le Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires français pour lequel il était régulièrement cité depuis dix ans, pour son roman La carte et le territoire (Flammarion). «C’est une sensation bizarre mais je suis profondément heureux», a déclaré à la presse l’écrivain, attablé avec le jury du Goncourt dans une petite salle au 1er étage du restaurant Chez Drouant, à Paris, où le nom du lauréat est annoncé chaque année. «Il y a des gens qui ne sont au courant de la littérature contemporaine que grâce au Goncourt, et la littérature n’est pas au centre des préoccupations des Français, donc c’est intéressant.»

Mondialement célèbre et chef de file d’une nouvelle génération d’auteurs, Michel Houellebecq a toujours déchaîné les passions : vain provocateur névrosé pour les uns, génie absolu pour les autres. Depuis Extension du domaine de la lutte en 1994, l’auteur quinquagénaire, souvent qualifié de professeur de désespoir, décrit avec une froideur clinique la misère affective et sexuelle de l’homme moderne, sa solitude absolue. Mutique et dérangeant, il avait jusqu’ici habilement entretenu l’amour-haine des médias, avec un don inaltérable pour les polémiques.

Mais l’écrivain semble aujourd’hui assagi, mûri, moins provocateur, sans toutefois perdre sa vision acide du monde ni son ironie. Dans La carte et le territoire, salué par une critique quasi-unanime, Houellebecq éreinte l’art, l’amour, l’argent, les «people» et met en scène son assassinat, particulièrement sanglant. Il se caricature avec jubilation : il «pue un peu moins qu’un cadavre» et ressemble «à une vieille tortue malade», écrit-il de son double littéraire.

Don pour les polémiques

Pour Bernard-Henri Lévy, dont la correspondance avec Houellebecq a été publiée en 2008, «c’est quelqu’un de beaucoup moins mélancolique qu’on ne le croit, avec qui, moi, en tout cas, je ris beaucoup», affirme le philosophe. «Je m’inscris en faux contre son image de misanthrope. Il aime manger, il aime boire, il aime les femmes», assure BHL. «C’est un très grand écrivain qui veut juste avoir la paix», ajoute-t-il.

Né Michel Thomas le 26 février 1958 à La Réunion, selon sa biographie officielle, en 1956, selon d’autres sources, d’un père guide de haute montagne et d’une mère médecin, Michel Houellebecq est confié à six ans à sa grand-mère paternelle, dont il a adopté le nom. Il entretient un temps la fable de la mort de sa mère, Lucie Ceccaldi, qui, en 2008 dans L’Innocente (Scali), règle ses comptes avec lui. «Mon fils, qu’il aille se faire foutre par qui il veut, avec qui il veut, je n’en ai rien à cirer», écrivait cette femme à 83 ans. On comprend pourquoi les mères, et les femmes, n’ont jamais le beau rôle dans ses romans.

Traduit en 25 langues

En revanche, le père revient en force dans La carte et le territoire. «Il a voulu faire de sa vie un roman, une construction qu’il a magistralement réussie», explique Denis Demonpion, auteur d’une biographie non autorisée de Houellebecq. En 1980, le jeune Michel décroche son diplôme d’ingénieur agronome et se marie. Son fils Etienne naît en 1981. A la suite de son divorce, il fait une dépression nerveuse. Suivent le chômage, un job dans l’informatique, à l’assemblée nationale… En 1985, il publie des poèmes, puis une biographie de Lovecraft. Mais tout commence en 1994. Maurice Nadeau édite son premier roman Extension du domaine de la lutte, devenu un livre culte.

Le deuxième, Les Particules élémentaires, publié en 1998, est traduit en plus de 25 langues. Il se remarie la même année. Il a divorcé il y a quelques mois. Houellebecq se réfugie en Irlande où il rédige Plateforme (Flammarion 2001), consacré au tourisme sexuel. Il vit aujourd’hui entre ce pays et l’Espagne mais voyage beaucoup. La même année, il affirme dans une interview (tronquée, selon lui) au magazine Lire : «La religion la plus con, c’est quand même l’Islam». Scandale, procès, relaxe. Suit La Possibilité d’une île (Fayard, prix Interallié), autour du mouvement raélien, qui paraît en août 2005.

D’aucuns reprochent à Houellebecq de ne pas avoir de style. Mais «il y a une confusion entre style et hystérie verbale», assène l’écrivain. Le sien se veut celui de l’aveu, volontairement froid et objectif. Il goûte les descriptions encyclopédiques, piquées ça et là. Dans son dernier livre, il emprunte à Wikipédia, ce qui le fait suspecter de plagiat, critique qu’il juge ridicule, citant d’illustres prédécesseurs, Perec ou Borges.

AFP

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