Léonora Miano décroche le prix Goncourt des lycéens pour Contours du jour qui vient
Avec ce second roman, l’auteur camerounaise née à Douala continue l’œuvre qu’elle consacre à l’Afrique. Dans un style tranchant et irrésistible Léonora Miano nous entraîne à parcourir l’Afrique au côté de Musango, une jeune fille oubliée dont personne ne se soucie et dont personne ne portera le deuil. Chassée de chez elle par sa propre famille la jeune Musango est une enfant mal aimée. Elle s’échappe du royaume des ombres.
« Je me sens sur le point d’éclore, comme un poussin qui va briser sa coquille. Il n’y aura eu personne pour me couver. Je n’ai pas de chaussures, ils ne m’en ont jamais donné. » L’enfant part à la recherche de sa mère et traverse le Mboasu, un état imaginaire d’Afrique qui a sombré dans l’anarchie. On y découvre une Afrique à la dérive livrée aux prédateurs de toute nature. Après, L’intérieur de la nuit, sorti en 2005, Léonora Miano, poursuit sa singulière trajectoire d’écriture. Ses romans éclairent l’Afrique d’une lumière à la fois sensible et moderne. L’Afrique culturelle des rituels du XXI, auxquels se sont ajoutées des pratiques fantaisistes. L’installation durable dans la misère a profondément brouillé les pistes. Les croyances, toujours fortes, ont perdu leurs correspondances avec la sagesse d’autrefois. On ne croit à rien d’autre qu’au capitalisme : « Il ont créé la congrégation il y a trois ans et se sont lancés ensuite dans la traite des femmes. La foi qu’ils professent au sein de leur temple est un syncrétisme anarchique,comprenant de prétendus usages africains alliés à une interprétation personnelle de passages choisis du livre. Il faut frapper les esprits, mettre les âmes à genoux, laver les cerveaux, tout cela dans le seul et unique but de soutirer aux fidèles une partie de leur revenus. »
On suit ainsi avec fascination, la quête de Musango qui traverse les terres d’un continent livré à lui-même. Elle y rencontre des personnages fantomatiques, prisonniers du réel. Surtout des femmes, « c’est tellement facile d’être un homme en Afrique ». Dans le livre, il n’est question d’ailleurs que du pouvoir propre. Celui qu’il faut pour s’en sortir. L’auteur nous ouvre le portail sur des réalités contemporaines sans s’y attarder. Et cela rend la souffrance de la jeune fille, qui porte un regard aveugle au monde, encore plus papable. Pour autant, il ne s’agit pas de s’apitoyer : « Il ne faut pas pleurer, geindre inlassablement et perdre au bout du compte la cause même du chagrin. Il faut se souvenir et puis il faut marcher. » En quête de sens, Contours du jour qui vient est aussi une lutte contre l’oubli. Il est très heureux que le récit de cette traversée ait gagné les suffrages des jeunes lecteurs.
Jean-Marie DINH
Contours du jour qui vient de Léonora Miano, 275p, 18€, chez Plon