Akram Khan : du poème épique hindou à la globalisation

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Akram Khan artiste de la culture monde

Une fois n’est pas coutume, un point de rencontre a surgi cette année entre deux festivals qui s’évitent depuis des décennies. Ce que tout oppose dans la personnalité des directeurs, l’esprit de la manifestation et la conception artistique, se retrouve par le hasard d’une programmation dans Le Mahabharata conté par Jean-Claude Carrière au Printemps des comédiens et dansé par Akram Khan dans le cadre de Montpellier Danse. Voilà un prodige que l’on doit véritablement à la sagesse cosmique de l’Inde.

Gnosis*, le titre de la pièce ne concerne en fait que la seconde partie du spectacle. La première se compose de deux solos Polaroïde Feet et Tarana correspondants aux toutes premières créations de la compagnie du chorégraphe Anglo-Bengali qui vit le jour il y a juste dix ans à Londres.  Dans cette première partie Akram Khan accompagné de cinq excellents musiciens démontre sa maîtrise du Kathak. La danse traditionnelle qu’il lui a été enseignée à l’Académie de danse indienne. Un vibrant hommage sobre et éblouissant qui révèle la maîtrise du rythme et du corps dans un espace nu. On apprécie la volonté de ne pas séduire. Ici le corps instrument du danseur répond aux instruments de musique sans conscience mais non sans âme.

La seconde partie scénographiée cette fois, nous entraîne dans un des passages les plus captivant du Mahabharata. Episode où l’héroïne Gandhari donnée en mariage au roi aveugle Dhritarashtra se plonge d’elle-même dans le noir à jamais, pour partager pleinement son union.

La chorégraphie saisit les instants clés de cette relation fascinante dans le temps. La performance de la Japonaise Yoshie Sunahata Kodo est remarquable. Elle répond à l’unisson, quoique dans un espace culturel différent, à l’étonnante faculté de concentration d’Akram Khan. La pièce est très bien servie par la création lumière de Fabiana Piccioli. La magie expressive et sensuelle des corps semble convoquée dans le présent. Comme si elle remontait les canaux du temps pour irriguer le langage contemporain. La rapidité ahurissante des gestes et la précision démultiplient l’espace en nous envoûtant.

Dans cette alternance de tourbillons, de blocages, et de jeux d’équilibre, Akram Khan dit les paradoxes qui le traversent. Il exprime dans un langage clair et accessible, le rapport entre tradition et modernité, le décloisonnement des disciplines artistiques, et les contradictions du moment. Khan est un artisan de la culture monde, une culture abondante éphémère et monnayable à laquelle il apporte du sens et du contenu.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Danse festival 2010  Cunningham, Jiri Kylian,

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