Au nom de la lutte contre les violences faites aux femmes, la Suède est devenue, le 1er janvier 1999, le premier pays à pénaliser l’achat de services sexuels, tandis que d’autres, comme l’Allemagne en 2001, choisissaient de légaliser les maisons closes. Quinze années de recul permettent d’observer les effets de ces deux approches opposées de la prostitution.
a lumière rasante du soleil couchant inonde la localité de Tyresö, une des vingt-six communes du comté de Stockholm. Assise sur la terrasse de son pavillon, Mme Pye Jakobsson profite encore un moment de la clémence du ciel : « Ils ont gagné, j’ai perdu. Je quitterai ce pays à la fin du mois pour aller m’installer quelque part dans le sud de l’Europe, là où la législation est différente », annonce calmement cette femme de 48 ans, porte-parole de Rose Alliance. Cette organisation, fondée en Suède en 2003, s’est donné pour mission de défendre l’ensemble des « travailleurs sexuels », expression que Mme Jakobsson justifie en ces termes : « Il y a travail dès lors qu’il y a activité rémunérée. » Continuer à se prostituer en Suède conduit à s’exposer davantage aux dangers de la clandestinité, selon elle.
En 1998, les députés ont décidé de pénaliser le client, au nom de principes qui ont éclos dans les années 1970 et qui cimentent toujours la société suédoise. Au premier rang figure l’égalité femmes-hommes, notion incompatible, ont estimé les législateurs, avec la pratique de relations tarifées. L’argent impose une contrainte ; les consommateurs qui paient pour un service sexuel — le plus souvent des hommes — assujettissent les vendeurs — le plus souvent des femmes. Prenant acte de ce déséquilibre, le Parlement a décidé de se doter d’une loi obligeant les clients à changer durablement leurs comportements et poussant de facto les prostituées vers d’autres activités.
William Irigoyen
Éventail de législations
La loi s’insère dans un arsenal très répressif. Par exemple, un propriétaire privé ou un hôtelier ne peut louer son bien à des prostituées sous peine d’être accusé de proxénétisme. Selon la porte-parole de Rose Alliance, le dispositif entré en vigueur en janvier 1999 est très clairement d’inspiration luthérienne : « On pense encore que les travailleuses du sexe sont des traîtresses qui détournent les hommes de leur femme. »
Ses propos, qui font écho à la critique de l’abolitionnisme. interpellent directement les pouvoirs publics, (…)
Cécile Marin, janvier 2017
Source Le Monde Diplomatique L’article Complet
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