Jean-Joubert : « désir du vent de feuille en feuille comme un murmure d’eau féconde. »

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Tandis que grogne au loin et se disloque

le jeu des anciens mots de poussière et de nuit

voici enfin retournement de la parole

comme une terre noire que la charrue partage,

que le soc fend et verse, et, débourbés,

ce sont de jeunes mots, des oubliés

qui s’arrachent et luisent

dans la grâce du petit jour,

Ils sont semence, ardeur, promesse de moisson.

L’oeil les caresse.

La main déjà les accompagne

et le désir s’ébroue de l’arbre et de sa voix:

désir du vent de feuille en feuille comme un murmure d’eau féconde.

Et c’est encore l’enfant rêvé, l’enfant lointain, si proche désormais

qui surgit et se penche

et boit le vent au creux de ses paumes.

La mère en robe blanche le regarde. Une pivoine rouge éclot près de la grange

et, dans l’allée, le fantôme du chat

s’avance à pas de laine.

Jean Joubert

Eveil III L’alphabet des Ombres, éditions Bruno Doucey 2014

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