« Comment
Depuis février 2008, RFI constitue, avec France 24, la chaîne publique de télévision d’informations en continu, et TV5 Monde, la Société de l’Audiovisuel extérieur français (AEF). En théorie, le principe est de moderniser et dynamiser des médias destinés à une diffusion internationale. En réalité, il s’agit plus d’une mutualisation des moyens techniques et humains. Si, en 2006, France 24 avait embauché 400 personnes, l’heure est à la stricte économie. Dans cette optique, le tandem qui dirige l’AEF, Christine Ockrent et Alain de Pouzilhac, privilégie la jeune France 24 à l’ancêtre RFI.
Manque d’informations
Un pari osé au regard des études d’audience effectuées. La radio, classée troisième sur l’échiquier des radios internationales, a largement les faveurs de l’Afrique francophone et du Maghreb. Face à ces millions d’auditeurs, habitués depuis quatre décennies aux programmes de RFI, France 24 peine à s’aligner. Avec la concurrence d’Al-Jazeera au Maghreb et de BBC World dans le reste du monde, la jeune chaîne française revendique 962 000 téléspectateurs, selon une étude d’audience réalisée… pour l’Europe seulement. Aucune autre donnée ne parvient à expliquer l’enthousiasme des deux dirigeants de l’AEF, qui ont tendance à l’enjolivement. A les croire, France 24 serait « leader des chaînes d’info internationales en Afrique francophone et numéro 2 au Maghreb« .
France 24 est donc la priorité. Et RFI peut passer le micro à gauche, sans que ça puisse visiblement émouvoir l’hydre à deux têtes de l’AEF. Ockrent et Pouzilhac justifient d’ailleurs la suppression des 206 postes à RFI par le déficit budgétaire que la radio accuse. Sans préciser que ce déficit n’était pas économique mais comptable. En effet, l’augmentation des recettes publiques – du financement de l’Etat en grande partie – n’a été que de 3,4% entre 2004 et 2008, contre 11,9% en moyenne pour France Télévisions ou les autres radios publiques.
Réforme impossible
Côté syndicats, la mobilisation reste active pour dénoncer « l’assassinat » de leur radio. Tous acceptent l’idée d’une réforme de RFI, qui « aurait dû être entreprise depuis longtemps » selon une journaliste interrogée par leJDD.fr. Benoît Ruelle, producteur à RFI depuis trente ans, est encore plus acerbe: « Rien n’a été pensé pour l’avenir de RFI. (…) On a engagé des gens de qualité, on les presse et maintenant on les vire« , affirme-t-il sur le site RFIengreve.info. Des services de langues sont supprimés ou développés par des filiales de l’AEF – un salarié extérieur au service public coûte tellement moins cher… Derrière cette restructuration, les salariés trinquent au nom de France 24 qui pourra bientôt profiter des traducteurs de RFI.
A la fois témoin et acteur du conflit, le gouvernement s’est refusé à une médiation entre les syndicats et les dirigeants de l’AEF. Le 26 août dernier, une lettre ouverte a été adressée à Frédéric Mitterrand, lui mandant de se prononcer sur le sujet. En vain. Le silence du ministère de la Communication – un comble – devrait désormais faire écho à celui des ondes, dès ce vendredi soir.
Gaël Vaillant (JDD)
Voir aussi : Rubrique Médias RFI une entreprise mise en difficulté,