Du trash postmoderne à l’agneau pastoral

 

Prédominance d’une émotion liée au pouvoir de fascination de l’image.

Montpellier Danse. Au Corum, le chorégraphe Angelin Preljocaj stimule tous les publics avec « Suivront mille ans de Calme »…

Le grand public parle beaucoup à la sortie de « Suivront mille ans de calme »  ce qui pourrait déjà se traduire  comme un signe de succès. On se souviendra du ballet du chorégraphe Preljocaj qui était cette semaine à l’affiche sous la bannière de Montpellier Danse pour deux soirées au Corum. Une heure trente de bonheur visuel en mode zapping, temps durant lequel s’égrène un chapelet de courtes pièces livrant une vision pré-apocalyptique du monde.

Inspiré de l’apocalypse de St Jean, le spectacle mobilise vingt et un danseurs qui pulsent comme des malades sur la musique de Laurent Garnier. Initialement créé avec les danseurs du Théâtre du Bolchoï, le spectacle était repris à Montpellier par la compagnie Preljocaj. Le chorégraphe d’origine albanaise trouve dans les grandes fresques du ballet classique l’occasion d’un détournement inventif qui fonctionne plus où moins selon les pièces mais au final chacun s’y retrouve quelque part. Et qu’importe si la majorité des danseurs (pas tous) s’avèrent plus habiles à prendre la lumière qu’à dépasser l’écriture chorégraphique  très codifiée du spectacle.

La danse comme un médium spectaculaire

Sur la forme, cette juxtaposition des modèles, parfois des clichés, où tous les vécus sociaux et individuels coexistent et se rejoignent dans le culte d’un présent qui en chasse un autre, rend la proposition artistique d’emblée légitime. Elle interroge  un peu sur le fond. L’efficacité du spectacle bien servi par la scénographie du plasticien Subodh Gupta et les costumes de Igor Chapurin remplacent et brouillent les lignes de force.

Avec une virtuosité stylistique qui n’a peur de rien, le chorégraphe explore l’éventail des brèches de la cité.  Il a recours à des accessoires stimulants pour passer en revue les fissures de la société urbaine. Le rapport des corps aux machines propulsé par la techno de Laurent Garnier, l’absence de lien et la violence des relations qui en découle entre les individus, les corps et les sexes. Preljocaj réaffirme que l’art de la danse est un médium propice à exprimer des phénomènes complexes. On touche à la fragilité de l’identité collective et individuelle. On perçoit les effets de la propagande publicitaire et celle des mass médias à l’origine du désir préfabriqué en vigueur, et son pendant dans le retour au religieux. Le goût des extrêmes côtoie la dimension fleur bleue du ballet classique et le grand mixte se referme dans l’ambiance bucolique de l’harmonie originelle entre l’homme et la nature.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Danse, Preljocaj Blanche neige, Rubrique Livre Topologie de l’invisible,