Ce pourrait être une satire sociale caustique qui évoque la roulette russe comme une forme logique de notre société mais cela s’apparente plutôt à une fable philosophique ou à une œuvre messianique… Si l’on souhaite rester fidèle à la fluidité de ce livre, il faut dire par exemple, c’est le dernier roman d’Alain Monnier. Dire aussi, comme le fait l’auteur sans rien dévoiler, Je vous raconterai. Un titre qui en dit long sur le contenu, à la limite de la vraisemblance, de cet ouvrage. « Je suis parti de la chute, d’une douleur intime », signale l’invité de la librairie Sauramps.
Dans une société laminée par la pauvreté et la violence, on pénètre le malheur d’un homme misérable, qui survit depuis des années dans les rues. Cet homme sans nom dont on apprécie l’outrance, raconte son histoire. « Vous qui parlez haut et fort, que savez-vous donc de la misère ? » Quand le livre débute, il est arrivé au bout de ce qu’il peut endurer. Mais alors qu’il s’apprête à se jeter dans le canal voisin, un mystérieux individu lui propose de l’aider à mourir sans souffrir. « C’est en cheminant que l’on connaît l’histoire », observe l’auteur qui soigne le réalisme des situations sans malignité apparente.
L’homme qui n’a plus rien à perdre accepte sans conscience un contrat faustien conclu en silence. Il se retrouve alors dans une luxueuse villa où il lui est demandé de jouer à la roulette russe devant une assemblée enfiévrée. A la question : « êtes-vous joueur ? », Monnier répond sobrement : « Je ne jouerai jamais à ce jeu. Je ne suis qu’un gros dégonflé. » Le personnage évolue pendant le roman. A l’issue du premier clic, il succombe à la fascination de son geste. Le voisinage de la mort, avec laquelle il prend un rendez-vous périodique, lui permet de reprendre pied, de revenir sur son passé et même de rencontrer Lula dans le miroir de la roulette. « La forme de folie pousse progressivement le héros à être dans la fraternité des hommes, glisse Alain Monnier. Etre un homme, c’est croire au miracle, qu’importe si cela arrive ou pas. »
Jean-Marie Dinh
Je vous raconterai, éditions Flammarion, 17 euros.