«L’endroit
Qui débarquait ses hommes – méticuleux,
En les soulevant au-dessus des vagues, sans heurt,
D’un doigt entortillé dans leurs cheveux.
«L’endroit parfait pour un Snark! Je l’ai dit deux fois:
Ce qui devrait suffire à les encourager.
L’endroit parfait pour un Snark! Je l’ai dit trois fois:
Ce que je vous ai dit trois fois est vrai.»
Quelle bonne idée de rééditer en poche La Chasse au Snark. Au moment où le dernier Tim Burton renouvelle les représentations d’Alice aux pays des merveilles, on mesure à quel point la puissance imaginaire de Lewis Carroll est inépuisable. Paru en 1876, La Chasse au Snark demeure l’une des plus évidentes réussites du nonsence de l’histoire littéraire. A quoi a trait cet art ? On est proche du rêve. Il y a de l’étrange et de l’absurde dans le rapport au récit. Dans une extrême logique, certains mots jettent le trouble. Le but pourrait être d’entretenir la confusion. On n’est plus bien sûr de pouvoir se comprendre, ce qui peut conduire aux situations les plus incongrues.
L’histoire se résume assez simplement. Un cireur de souliers, un fabricant de bonnets, un boulanger, un avocat et un castor, entre autres personnages, partent à la chasse d’un animal fantastique : le Snark. En espérant qu’il ne s’agira pas d’un boojum ! Logicien et professeur de mathématiques, Lewis Carroll apporte une telle rigueur dans la mise en évidence des paradoxes du sens que son chaos-cosmos deviendra pour Gilles Deleuze l’une des plus innovantes conquêtes des surfaces. La Chasse au Snark a eu quelques traducteurs en langue française dont le plus célèbre est sans aucun doute Louis Aragon. Qu’est-ce au juste que ce Snark ? Que peuvent bien signifier cette chasse et cet équipage ? En réponse à ces questions qu’on n’a pas manqué de lui adresser, Carroll a inlassablement répondu qu’il l’ignorait lui-même.
Jean-Marie Dinh
La chasse au Snark édition bilingue Folio.