Mahmoud
Contrairement à ce que croient nombre de musulmans, la » Parole de Dieu » contenue dans le Coran n’a pas été livrée en une fois – comme les Tables de la Loi – mais étalée sur 22 années, entre 610 et 632 de l’ère chrétienne. Ses 6.236 versets ont ensuite été rassemblés en un seul volume, dans un ordonnancement inexpliqué, qui ne tient compte ni de la chronologie, ni des contextes changeants, de leur révélation. Ce qui rend le texte au départ impénétrable. C’est notamment à la faveur de cette difficulté de lecture, que s’est imposé le point de vue, aujourd’hui dominant, selon lequel il est moins important de comprendre la Parole de Dieu que de la réciter et de s’en imprégner. Chaque mot y serait alors à prendre sans recul, au pied de la lettre, partout et toujours. Ce qui conforte l’a priori » littéraliste « , selon lequel, puisque le Coran est la Parole de Dieu, il n’est pas tributaire du temps. Ses versets ne sont pas liés au contexte où ils ont été révélés. Ils sont formulés, une fois pour toutes, pour embrasser tous les contextes possibles. Cela conduit certains jusqu’à l’intégrisme, tandis que d’autres sont déchirés entre leur fidélité à la Parole de Dieu et la conscience qu’ils ont de ne pouvoir adhérer à des prescriptions historiquement dépassées. Mais les uns comme les autres sont piégés par l’a priori » littéraliste « . Ce que démontre Mahmoud Hussein, et qui fait la nouveauté radicale de son essai, bref et lumineux, c’est que cet a priori est réfuté par le Coran lui-même. En effet, Dieu a inscrit Sa Parole dans un contexte historique précis – celui des Arabes du VIIe siècle. Il leur a adressé un message formulé en leur langue, qui répond directement à leurs espoirs et à leurs interrogations, dont les visées spirituelles s’entrelacent souvent à des propos de circonstance. Dans son contenu aussi bien que dans sa forme, le Coran se présente ainsi comme un dialogue entre Ciel et Terre, situé dans un espace et un temps déterminés. Il ne s’agit donc pas, aujourd’hui, » d’historiciser » le Coran de l’extérieur, a posteriori – en étant alors accusé de lui être infidèle – mais au contraire, de lui restituer sa vérité en y retrouvant la dimension historique que Dieu Lui-même y a déposée.
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