Retraites: Hollande, ou l’art d’habiller un recul en avancée

Après 48 heures de flottement et un avis de gros temps à la gauche du PS, François Hollande a précisé mercredi sa position sur « sa » réforme des retraites. « Ma démarche, ma méthode est claire: immédiatement au lendemain de la victoire de 2012, sera ouverte la posssibilité pour ceux qui ont fait leur carrière – 41 années et plus tard 41,5 années de cotisation – de partir à 60 ans », déclare le candidat à l’Elysée au terme d’une matinée-débat avec des associations de lutte contre la précarité, dans un centre d’hébergement d’urgence Emmaüs qui vient d’être rénové à Paris. « Ce sera le premier acte qui sera pris », martèle le député. Jusque là tout va bien, c’est ce que veut le PS.

Mais là où la contre-réforme des retraites défendue par le parti depuis le printemps 2010 prévoyait de laisser la liberté aux salariés de partir à 60 ans sans la totalité de leurs annuités moyennant une décote, Hollande renvoie à une négociation avec les partenaires sociaux. Il n’y a plus d’automaticité. « Nous ouvrirons une négociation sur la durée légale, la décote et la pénibilité », précise le candidat, dont les dernières déclarations, lundi matin, sur RTL, laissait planer un doute sur ses intentions. Le seuil de 62 ans est donc maintenu dans l’attente des résultats de cette négociation. Cette fois c’est dit.

Mardi soir, alors que l’Europe figurait tout en haut de l’agenda, la question des retraites –« ses flous et ses loups », selon les mots d’un dirigeant du PS- a occupé une bonne partie du premier « conseil politique » du PS, réuni autour du candidat, rue de Solférino. Benoît Hamon a demandé des « explications » à Hollande. « Si on laisse le flou sur cette question, la droite nous dira que nous mentons et que nous ne reviendrons pas sur la réforme », a prévenu le porte-parole du PS, héraut de la gauche du parti. Après la réunion, certains grands chefs du PS s’évertuaient à expliquer que rien n’avait bougé et que la position collective tenait toujours. D’autres, levant les épaules, concédaient qu’il y avait bien désormais deux positions: celle du parti et celle du candidat. « C’est lui qui présidera, c’est sa solution qui prévaut », lâchait un secrétaire national.

Pour le candidat et son équipe, la réflexion ne peut pas se limiter à l’accès à la retraite mais doit aussi traiter du niveau des pensions. Et partir avec une décote quand on a déjà qu’une toute petite retraite, c’est franchir un cran dans la paupérisation, insistent les conseillers du candidat qui veut faire du « vivre mieux ensemble » sa « grande cause » pour rassembler les Français.

Le point-presse terminé, Hollande disparaît dans sa berline et Bertrand Delanoë se retrouve à faire le service après-vente sur le trottoir de la rue Jacques Louvel-Tessier. Donc, après le siège de la France à l’Onu ou le nombre de centrales nucléaires à fermer, le candidat socialiste s’éloigne une fois de plus des propositions du parti? « Vous pouvez pinailler sur telle ou telle mesure mais l’essentiel, c’est de casser la réforme injuste et mauvaise de la droite », tonne le maire de Paris. « Il n’y a pas plus social que d’élaborer une réforme avec les syndicats », insiste-t-il avant de clore les interviews par un solennel: « François a l’esprit de justice sociale ».

Un peu plus loin, Marisol Touraine, chargée du Pôle social de l’équipe présidentielle, sort les rames à son tour. « L’engagement qui est pris et qui est une avancées significative, c’est de permettre aux première victimes de la réforme Fillon/Sarkozy de pouvoir partir à 60 ans », repète la députée, qui fut la cheville ouvrière du projet PS sur la réforme des retraites. Elle l’assure: la gauche au pouvoir fera une réforme « responsable et durable ».

Pour les syndicats, la pilule ne passe pas du tout. « Ça nous pose énormément de problèmes », explique dans la foulée sur Europe 1 Eric Aubin, secrétaire confédéral chargé des retraites à la CGT. « Nous avons mobilisé des millions de salariés en 2010, notamment contre le recul de l’âge légal de départ en retraite. Je crois qu’à ce moment-là, les partis de gauche et notamment le Parti socialiste, s’était engagé à revenir à l’âge légal à 60 ans pour tous »Le PS est-il devenu amnésique?

Laure Bretton (Libération)

Voir aussi : Rubrique Politique France  Retraite : ce que proposent les partis d’opposition, le report de l’âge légal à 62 ans n’est pas inévitable, Le PS négocierait sur la durée des cotisations,

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