EXCLUSIF.Le parti de Marine Le Pen se plaint de ne pas être invité dans les médias, mais il refuse souvent les sollicitations. Le CSA demande aux groupes audiovisuels de le faire savoir.
C’estl’une des rengaines préférées de Marine Le Pen : les grands médias n’inviteraient pas suffisamment le FN sur leurs antennes. Cet argument choc — et efficace — prend aujourd’hui du plomb dans l’aile. Selon nos informations, le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) a adressé jeudi dernier une lettre à neuf dirigeants de groupes audiovisuels qui met à mal cette affirmation.
Le Conseil — qui demande aux médias audiovisuels d’accorder plus de temps de parole au FN depuis ses succès électoraux aux régionales de décembre — a « été sensible aux observations » des télés et des radios qui se défendent de couper volontairement le micro au front. « Vos services ont notamment insisté sur la stratégie de communication politique de cette formation et la difficulté d’obtenir suffisamment de réponses positives aux invitations lancées par les chaînes », est-il écrit dans le document que nous avons pu consulter. « Il peut d’ailleurs vous appartenir de faire état publiquement de votre politique d’invitation et le cas échéant des difficultés que vous rencontreriez dans la mise en oeuvre de celle-ci. » En clair, les patrons de chaîne sont priés de médiatiser leurs griefs.
«Marine Le Pen ne veut jamais venir chez nous»
« Tous les diffuseurs nous ont signalé la même chose : ils reçoivent de manière récurrente des fins de non-recevoir de la part du FN », confirme-t-on au siège du CSA. Le Front jouerait donc les divas ? Oui, à en croire certains. « Marine Le Pen ne veut jamais venir chez nous. Louis Aliot ne fait quasiment plus que des télés », se désole ainsi un journaliste radio. France Inter en a aussi fait les frais : « Avant le premier tour des régionales en Nord-Pas-de-Calais – Picardie, nous voulions organiser un débat avec les principaux candidats. Marine Le Pen a refusé et son entourage nous a fait comprendre que France Inter, c’était non », se rappelle Frédéric Métézeau, le chef du service politique de la station. « Sans doute n’apprécie-t-elle pas notre façon de la questionner. Elle nous a traités de radio bolcho », glisse-t-il en guise d’explication. « Le Front national cible les médias. S’il se rend sur une antenne, c’est parce qu’il espère viser des auditeurs spécifiques. Mais tous les autres partis et personnalités politiques le font également », tempère toutefois Francis Letellier, qui a interviewé Marine Le Pen sur France 3 hier.
Autre difficulté pour les diffuseurs : le Front a beau réaliser des scores conséquents aux élections, ses têtes d’affiche restent rares. En dehors de Marine Le Pen — en « diète médiatique » depuis janvier —, Florian Philippot, Marion Maréchal- Le Pen, Nicolas Bay ou Gilbert Collard (RBM), les élus médiatiques ne sont pas légion. Résultat, ce sont toujours les mêmes qui se bousculent sur les plateaux. Philippot a ainsi été la personnalité politique, toutes étiquettes confondues, la plus invitée dans les médias, avec 65 matinales en 2015. De quoi susciter une impression de saturation. « Aux heures de grande écoute, nous sommes obligés d’avoir des poids lourds. Nous n’avons rien contre l’émergence de nouvelles têtes, mais ce n’est pas encore un parti où il y a un large choix d’élus aguerris », constate Frédéric Métézeau. « Nous sommes beaucoup plus nombreux qu’il y a quatre ou cinq ans à passer dans les médias », rétorque Florian Philippot, le numéro 2 du FN. Ce dernier n’en démord pas : les arguments mis en avant par les diffuseurs sont « fallacieux » : « Il nous arrive de refuser des invitations parce que nous faisons des arbitrages ou pour de simples questions d’emploi du temps. Mais, dès que nous pouvons y aller, nous le faisons, car nous avons encore beaucoup de temps d’antenne à rattraper. »
Source : Le parisien 13/06/2016
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