Molières : le monde du théâtre célèbre sa jeunesse et s’en prend au gouvernement

Philippe Torreton Photo AFP. Eric Feferberg

Philippe Torreton Photo AFP. Eric Feferberg

Une nuit sous le signe de la révolte, de la jeunesse et de la réconciliation. Après trois ans d’absence pour cause de brouille au sein du théâtre privé, les Molières ont ressuscité, lundi 2 juin, sur la scène des Folies Bergère à Paris lors d’une soirée diffusée sur France 2.

En maître de cérémonie désopilant et gardien du temps, Nicolas Bedos est parvenu à rendre cette vingt-sixième édition des Molières moins ennuyeuse et plus joyeuse que les Césars. Pour y parvenir, le provocateur a su s’entourer et laisser libre cours aux pitreries d’un Denis Podalydès, à l’aisance survoltée d’une Florence Foresti, à l’impayable extravagance d’un Michel Fau, à l’apparition éclair mais efficace d’un Jean Dujardin et à la folie d’une Julie Ferrier.

« LAMENTABLE »

Et il avait aussi en tête que « le théâtre est à l’audimat ce que Manuel Valls est à l’aile gauche du parti socialiste ». De politique qui pousse à la révolte, il en fut beaucoup question lors de cette cérémonie de retrouvailles.

Les dizaines d’intermittents du spectacle qui manifestaient devant le théâtre ont reçu de nombreux soutiens sur scène. Devant Aurélie Filippetti, trois comédiens ont tour à tour fustigé l’attitude du gouvernement.

Valérie Dreville (Molière de la comédienne dans le théâtre public pour Les revenants de Thomas Ostermeier) a ouvert le bal de la fronde en évoquant la « précarité d’une profession menacée » et en demandant à la ministre de la culture de « tout mettre en œuvre pour que l’accord sur la réforme de l’assurance chômage ne soit pas agréé ».

Puis Nicolas Bouchaud a pris officiellement la parole au nom des intermittents et a décerné un « Molière de la meilleure trahison à François Rebsamen, ministre du travail, pour son rôle d’employé du Medef ». Quant à Philippe Torreton (Molière du comédien dans le théâtre public pour Cyrano de Bergerac) il a « dédié » son prix « à tous les intermittents », trouvant « lamentable d’avoir à le faire sous un gouvernement socialiste ».

MOLIÈRE D’HONNEUR POUR MICHEL BOUQUET

Ces prises de paroles auront plombé la soirée de la ministre mais pas l’ambiance d’une cérémonie qui a récompensé la jeunesse. Une pluie de Molières est allée aux auteurs et metteurs en scène trentenaires, Jean Bellorini (pour Paroles gelées), Alexis Michalik (Le Porteur d’histoires et Le cercle des illusionnistes) et Florian Zeller (Le Père).

Le premier a remporté les Molières de la mise en scène et de la meilleure pièce dans le théâtre public.

Le second a raflé ceux de l’auteur francophone, de metteur en scène dans le théâtre privé et a vu l’une des comédiennes de sa troupe, Jeanne Arenes, obtenir le Molière de la révélation féminine. « Alexis Michalik est un punk. Ecrire ‘Le cercle des illusionnistes’ dans une période si morose c’est réaliser un rêve et c’est cela qui est subversif », a lancé la jeune comédienne.

Le troisième a obtenu le Molière du meilleur spectacle de théâtre privé et les deux principaux interprètes du Père, Robert Hirsch et Isabelle Gélinas, ont chacun décroché le Molière du meilleur comédien(ne) du théâtre privé.

Aux côtés du producteur et président du bureau des Molières, Jean-Marc Dumontet (artisan de la renaissance de cette cérémonie), Murielle Mayette, administratrice générale de la Comédie française, s’est dite « très fière d’être là ». Dans un bel élan, en apparence sincère, tout a été fait et dit pour casser les différences et en finir avec les caricatures entre théâtre public et théâtre privé.

C’est ainsi que Michel Bouquet, longuement applaudi, a profité de son Molière d’honneur, remis des mains de Fabrice Luchini, pour remercier « tout ce gentil petit monde ».

Sandrine Blanchard

Source : Le Monde 03/06/2014

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Politique culturelle,