Un voyage vers le peuple des ombres

laurent-gaude_img_234_199Rencontre. Invité par la librairie Sauramps, Laurent Gaudé est venu

présenter sa descente aux enfers.


porte2Dans son dernier roman « La porte des enfers », l’écrivain dessine le destin tragique d’une famille devant l’épreuve de la mort. Quand le décès d’un petit garçon n’ouvre pas les portes du pathos mais celles de l’enfer… Laurent Gaudé, conducteur de cette ténébreuse histoire napolitaine, s’appuie sur la douleur pour conduire la cellule familiale à l’extrême de ses possibilités. Il n’est plus question alors de faire son deuil, mais d’aller au-delà…

« Pourquoi ce livre ?

J’avais envie d’écrire une descente aux enfers. Je me demandais s’il était encore possible d’y croire. Je ne souhaitais pas faire l’éloge de la violence. Plutôt parler de la colère face à la mort. Mettre en action des personnages qui ne peuvent s’y résoudre.

Votre approche de l’enfer est déchristianisée …

Ma culture chrétienne est très limitée. Personnellement je ne crois pas en Dieu. Je ne souhaitais pas aborder la dimension mystique. J’ai préféré m’attacher à la mythologie. Je n’ai pas relu Dante.

Avec il professore, puis Don Mazzeroti, Matteo trouve deux guides. Ce curé particulier est votre Virgile ?

C’est un peu technique. Un personnage seul ne peut décrire les enfers. Il lui fallait un interlocuteur. Je souhaitais aussi introduire un universitaire mis au banc de la société pour ses idées et pour ses mœurs. Le personnage du professore s’inspire un peu de Pasolini.

Le caractère trempé de la mère, Guiliana, est au cœur de l’action…

Le livre suit deux trajectoires dans l’exploration des sentiments. Après la mort de Pippo, le père est écrasé et la mère se révolte. Ce que vit Guiliana est très éloigné de la figure stéréotypée de la Mater Dolorosa. Elle dit à son mari : venge nous ou ramène-nous notre fils.

Considérez-vous la mort comme une alliée ?

Non, Je n’ai pas dépassé le stade de Guiliana. Je continue à lui en vouloir beaucoup pour les gens qu’elle m’a enlevés. Elle me fait très peur. J’aime la vie ».

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Laurent Gaudé, La porte des Enfers, Actes Sud 19,5 euros