Livre politique. La sagesse de la démesure, le portrait de G. Frêche par un de ses proches. François Delacroix donne un visage au pouvoir dans la région. Le Directeur de cabinet de Georges Frêche depuis dix-huit ans,sort de sa réserve en signant un livre sur l’indomptable président de la région Languedoc-Roussillon. L’auteur revient sur les grands épisodes relatifs aux 25 dernières années de carrière de son patron. L’usage de l’oxymore qui tient lieu de titre répond au double besoin d’attirer l’attention du lecteur et de décrire une personnalité hors norme. On ne s’étonnera guère de l’absence de recul de l’actuel directeur de cabinet sur la politique conduite, comme sur l’impact de ses conséquences. Sous l’emprise du pouvoir charismatique, l’auteur assume en toute conscience le paradoxe d’écrire sur un élu en exercice en se situant d’emblée en partisan inconditionnel d’une action qu’il souhaite durable.
Au fil des pages, il n’a de cesse d’évoquer le caractère visionnaire de G. Frêche et l’étroitesse d’esprit de ses adversaires avec un dévouement quasi religieux. Belle image d’Epinal que celle de l’abnégation indispensable des proches collaborateurs dans notre système politique. La fidélité sans faille se drape toujours de valeurs morales dans un contexte où ne survivent pourtant que les grands fauves. Est-ce un hasard si l’auteur dresse le plan de son livre en référence au chef-d’œuvre de Machiavel ? « Le Prince est l’ouvrage de référence de l’action de G Frêche. »
Outre le rappel des grands moments de la politique locale et le décryptage des alliances conjoncturelles, l’intérêt du livre provient avant tout de l’honnêteté avec laquelle François Delacroix aborde la notion de pouvoir. Exposée dans sa nudité, cette froide et cruelle disposition éclaire sur la manière de gouverner de son mentor. Véritable roi sans couronne, Frêche a développé Montpellier sur le modèle de la Florence des Médicis en alliant finance, intelligence, culture et commerce, nous rappelle François Delacroix : « On peut se demander si G. Frêche ne se considère pas comme une réincarnation de Laurent le Magnifique (… ) Ils ont en commun cette qualité rare d’anticiper le devenir de leur ville, ils savent maîtriser la communication vis-à-vis de leurs citoyens, en possédant le goût de l’intrigue, du conflit et du rapport de force. La seule différence, regrette l’auteur, c’est que G. Frêche n’est malheureusement pas assez florentin pour réussir à tous les coups, et pour concrétiser sa capacité à anticiper par une carrière nationale à sa dimension. » Ce regret et seul reproche formulé par François Delacroix est loin d’être anodin. Il marque les limites d’un homme politique singulier qui a su faire sien le traité de Machiavel pour conquérir et conserver le pouvoir par la force, tout en refusant les contraintes du contrôle et de la limitation imposées par une carrière nationale.
Le quatrième chapitre du livre évoque trop brièvement la question de la succession du « roi Georges » qui refuse toute idée de transmission. « A ses yeux, un siège, une mairie, une circonscription cela doit être gagné de haute lutte… » Cette perception renvoie à l’image du guerrier qui entend périr sur le champ de bataille. Et découle plus d’une captation personnelle du pouvoir que de l’intérêt général, plus de démesure donc, que de sagesse. Car le pouvoir issu des urnes, ne saurait être considéré comme une propriété par celui qui l’exerce. La réalité intégrale du pouvoir est aussi sa fin.
Jean-Marie Dinh
Georges Frêche la sagesse de la démesure édition Alter ego
Voir aussi : Rubrique Politique Pourquoi la gauche doit rompre avec Georges Frêche,