Nous sommes en 1868-1869. Ce paysage enneigé marque le début de l’impressionnisme, cinq ans avant la naissance officielle du mouvement.
Sans en avoir l’air, ce modeste paysage enneigé de Claude Monet, intitulé La pie, marque le début de l’impressionnisme. Nous sommes en hiver 1868-1869, cinq ans avant la naissance officielle du mouvement. L’artiste traverse une période difficile. Ne parvenant pas à vendre ses œuvres, il vit dans le dénuement. Sa famille réprouve à la fois sa relation avec sa compagne, Camille, et son choix de carrière.
Il faut dire que Monet n’est pas vraiment issu d’un milieu artistique. Fils d’épicier né en 1840, il commence par se faire remarquer pour son talent de caricaturiste. Il se forme auprès de Boudin, qui l’initie à la peinture en plein air, puis de Jongkind. Mais la reconnaissance tarde. Plusieurs de ses tableaux sont refusés au Salon, unique manifestation officielle où l’on peut exposer des œuvres en les soumettant à un jury. Il traverse une période de dépression, faisant même une tentative de suicide en se jetant dans la Seine.
Capturer l’instant
Le peintre n’abandonne pas pour autant les objectifs qu’il s’est fixés. Au contraire, il développe le concept qui sera à l’origine de l’impressionnisme: capturer l’instant, l’état transitoire de la nature, en particulier par l’étude des variations de lumière. Pour y parvenir, il faut travailler rapidement, en posant directement les couleurs sur la toile. En résulte une liberté nouvelle de la touche, plus expressive que descriptive.
Des peintres comme Renoir, Sisley, Pissarro, Morisot et Degas partagent les préoccupations de Monet et son opposition à la peinture traditionnelle. Ils décident d’organiser leur propre exposition dans l’atelier du photographe Nadar, en 1874. Y est présenté le tableau de Monet Impression, soleil levant, qui donne son nom au groupe suite à une boutade d’un critique peu enthousiaste. Car le public n’est pas tendre avec ces artistes qui de nos jours attirent les foules. Leurs toiles, si différentes de l’art académique, provoquent même un véritable scandale.
Au fil des heures et des saisons
Mais peu à peu, les réactions évoluent. Au fil des huit expositions impressionnistes, des critiques positives se font entendre. En l’espace d’une douzaine d’années, les impressionnistes sont acceptés et deviennent même des artistes fort recherchés dans toute l’Europe. Monet meurt riche et célèbre, en 1926.
Le peintre reste fidèle à la philosophie impressionniste jusqu’à la fin de sa vie. Pendant toute sa carrière, il cherche à représenter la fugacité de l’instant, à travers des paysages mais aussi des figures. Il revient souvent sur un même sujet, créant les séries des Meules, Peupliers et Cathédrales. Sans oublier les variations autour du jardin qu’il a installé chez lui à Giverny, dont le cycle des Nymphéas. Ce principe permet de révéler les modifications des formes et des couleurs en fonction des conditions atmosphériques, des heures de la journée et des saisons.
La sensibilité de l’artiste
Le paysage enneigé, qui se prête particulièrement bien aux effets de lumière, fait partie des motifs qu’il traite à plusieurs reprises. Cette huile sur toile de 89 sur 130?centimètres, conservée au Musée d’Orsay, est l’une des premières qu’il exécute sur ce thème. Monet peint également des vues de routes et de villages sous la neige, ainsi que diverses versions de la débâcle sur la Seine, c’est-à-dire la rupture subite de la glace. Un Effet de neige, le matin, prend aussi place dans sa série des meules, en 1891. Il prolonge ses études jusqu’en Norvège, en hiver 1895.
Mais au fond, davantage que le sujet, ce qui compte surtout est la vision qu’en a le peintre et la sensibilité avec laquelle il la traduit. Monet compte parmi les premiers à oser exprimer l’émotion qu’il ressent face à son motif, créant ainsi des œuvres profondément personnelles qui révolutionnent l’art moderne.