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Alors que le Burkina Faso ré-ouvre l’enquête sur son assassinat, Thomas Sankara reste 28 ans après son décès la deuxième personnalité africaine préférée par les jeunes (le premier reste Nelson Mandela). Alors qu’il n’a été Président que quatre années, l’impact sur l’opinion publique africaine semble impérissable.
Le fougueux Capitaine de 33 ans accède à la tête de la Haute Volta à la suite d’un coup d’état, le 4 Août 1983. Déjà connu pour d’importants faits d’arme lors de la guerre contre le Mali, puis pour sa démission retentissante du poste de Secrétaire d’Etat et enfin son emprisonnement, il est déjà l’opposant politique le plus en vue du continent. Pour le conseiller Afrique de François Mitterrand « ce capitaine est un homme dérangeant», leurs relations seront toujours conflictuelles et souvent froides. Et pour cause, Sankara est aussi impatient qu’impertinent, aussi radical que patriote, aussi utopiste que populiste. Bref les deux hommes s’opposent autant dans leurs politiques que leurs personnalités. Il ne tardera pas à renommer la Haute Volta par Burkina Faso, le pays des hommes intègres en langue mooré. Les paroles sont suivies par des actes : diminution forte du train de vie de l’Etat, émancipation des femmes, réformes agraires, campagne de scolarisation. Avec Sankara les réformes vont vite, peut-être trop vite. Si l’histoire retient le leader charismatique et intègre, elle oublie parfois sa part d’ombre, son autorité débordante, son manque de patience, ou encore les tribunaux populaires de la révolution qui firent tant de prisonniers.
Si aujourd’hui Thomas Sankara est élevé au rang d’idole, c’est aussi, peut-être, car sa gouvernance ne s’est pas épuisée dans le temps. Mais c’est surtout parce qu’il fût l’un des rares hommes politiques cohérent. Pour réduire le train de vie de l’état, exit les limousines blindées, place à la Renault 5. Pour être proche du peuple, exit les soirées feutrées des palais, place aux soirées entre amis sur les terrasses de bar de Ouagadougou. L’homme ne feignait pas d’être simple, il l’était.
Sankara est aussi l’homme qui a redonné de la fierté à son peuple, non seulement il était patriote et souverainiste, il était surtout courageux. Dans une Afrique encore docile, lui n’avait pas peur de créer des incidents diplomatiques. Défendant corps et âme l’intérêt de sa nation, il surpasse l’organisation éthnique et tribale de son pays, pour l’unir dans un projet commun. Plus incroyable encore, dans un continent rongé par la corruption et l’immobilisme politique, le Capitaine redonne de l’espoir à la jeunesse et veut lui offrir un avenir prospère, chez elle, en Afrique.
A l’époque où la seule opportunité d’évolution sociale rapide pour les jeunes africains est l’immigration, la pensée de Sankara trouve écho dans les cœurs et les esprits d’une génération entière. Sa mort, elle aussi participe au mythe. Alors qu’il est en réunion avec les membres de son cabinet, les premiers tirs de kalachnikov claquent, le jeune Président s’empare d’une arme et se présente à la porte, face aux assaillants. Il meurt quelques instants plus tard, avec les armes à la main et le courage comme étendard. Le commanditaire de l’assassinat serait son ami, son frère d’arme, le capitaine Compaoré qui avouera à demi-mots des années plus tard : « c’était lui ou moi… ».
Plus que la Personne, c’est le héros mort en martyr que l’on admire. Plus que le bilan politique, c’est l’espoir et la dynamique qu’il a su créer que l’on regrette. Peut importe sa part d’ombre et son inspiration ouvertement marxiste et léniniste, Thomas Sankara est de ceux qui laissent leur trace et dont la mémoire fait vivre l’espoir de la jeunesse d’un continent qui en manque terriblement.
Antoine Valentin
Source : Globale Diplomatie.com 15/09/2015
Voir aussi ; International, Discours de Sankara à l’ONU, Rubrique Afrique, Burkina Faso,