Festival. Fiest’A Sète s’est achevé par une soirée malienne intense où la sagesse de Yacoub Afuni a croisé la détermination sensible de Rokia Traoré.
Nile Rogers avait démarré le 2 août la série de concerts de Fiest’A Sète au Théâtre de la mer sur les chapeaux de roue, Rokia Traoré l’a conclu jeudi 8 août dans le velours. La nouvelle icône de la world musique malienne était précédée sur la scène de son compatriote Yacoub Afuni dont la riche carrière en Afrique de l’Ouest l’a mené au côté de Salif Keita à Bamako notamment, ou à la tête de l’orchestre national du Burkina Faso, les Colombes de la révolution, à la demande de Thomas Sankara en personne. C’est dire si la lutte pour la liberté fait partie de son parcours, mais sa musique puise à la source de l’histoire. Celle qui l’a fait avec le temps, le dépositaire des Griots. Le concert de jeudi à Fiest’A Sète confirme Yacoub Afuni comme un artiste du peuple qui transmet à travers sa musique la poésie et l’histoire qui font l’honneur et la beauté du continent noir.
Liberté et détachement
Sensibilité, finesse, intelligence et beauté de la voix, Rokia Traoré n’appartient pas à leur caste, mais la chanteuse dispose bien des qualités d’un griot naguère au centre de la société. Aujourd’hui en Afrique beaucoup d’entre eux ne remplissent plus leurs fonctions originelles de diffuseur de la culture. On les appelle des artistes. Ce qui peut avoir une connotation négative dans la bouche des détenteurs du pouvoir. Rokia Traoré se place sur scène au centre d’un triangle musical dont les angles vont de l’influence occidentale rock pour la guitare, la basse et la batterie, à l’histoire traditionnelle africaine pour le n’goni, les choeurs et la danse. Ajoutez à cela l’influence profonde des grandes dames du jazz et du blues noir américain que sont Ella Fitzgerald et Billie Holiday – dont elle reprend un émouvant « Gloomy sunday »- vous avez la puissance d’une artiste pour qui la modernité ne signifie aucunement renier ses racines, tout au contraire.
« Je ne savais pas que j’aurais l’opportunité de faire de la musique un jour » vient-elle de confier à un journaliste de RFI. Cette opportunité, elle se l’est désormais appropriée pour léguer aux générations futures la verve et l’énergie de l’espoir. « L’année qui vient doit être celle de la reconstruction pour le Mali », lâche-t-elle sur scène avec une liberté et un détachement à l’égard des luttes sanglantes pour la conquête du pouvoir. Cette distanciation ramène à la conscience historique et à la lutte contre toutes oppressions. Quel que soit le résultat des élections maliennes qui devrait nous parvenir dans les prochaines semaines, la chanteuse s’affirme avec force et conscience pour un Mali culturellement riche et indivisible.
Jean-Marie Dinh
Dernier album : Beautiful Africa
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