Le corpus nationaliste de Sarkozy

sarko-france1C’est d’abord un gri-gri électoral, en bonne place – avec la valeur travail – dans le corpus du candidat Sarkozy de 2007. L’identité nationale, «dire ce que nous sommes». Quasi-systématiquement accolé au thème de l’immigration, quitte à scandaliser la gauche et nombre d’historiens. C’est, le soir de sa victoire au second tour de la présidentielle, l’objet d’un vœu solennel: «Je veux remettre à l’honneur la nation et l’identité nationale. Je veux rendre aux Français la fierté d’être Français.» Deux ans et demi plus tard, à mi-mandat et à l’approche des régionales, le sujet ressurgit par le biais d’un «grand débat» lancé par son ministre, Eric Besson.

Mais, au fond, qu’est-ce que l’identité nationale vue par Nicolas Sarkozy? Flash-back sur quelques phrases de campagne.

L’identité française, c’est d’abord tout sauf «un gros mot», dixit Sarkozy. Le candidat est toujours très motivé pour mettre le sujet sur le tapis. Ainsi, en meeting à la Martinique en mars 2007, il prévient: «Je continuerai à parler de notre identité nationale car je crois que l’identité, pour un peuple, c’est quelque chose d’essentiel.» Et de brandir la menace d’une «crise identitaire» à force de «nous contester le droit d’en parler. Et cela, je le refuse.» Régulièrement, il se posera aussi en porteparole de «la France exaspérée par la contestation de l’identité nationale, par une immigration non maîtrisée, par la fraude, par les gaspillages».

«Rempart contre le communautarisme»

Identité nationale-immigration, les deux ensemble dans le même sac du candidat, au point de promettre, le 8 mars sur France 2, un ministère «de l’Immigration et de l’Identité nationale». Tollé général. Jusqu’à Le Pen qui ironise sur cette «petite opération de racolage» sur les terres du FN. Tactique qui se révèlera gagnante.

En attendant, Sarkozy défend son tryptique immigration-identité-intégration. En meeting à Caen, le 10 mars 2007, il y va franchement: «La France est un pays ouvert, mais ceux que nous accueillons doivent prendre en compte nos valeurs. (…) On ne peut pas parler d’intégration sans dire ce que nous sommes, ce qu’est la France.» Et reprend le slogan de l’extrême droite – «La France tu l’aimes ou tu la quittes!» – à sa sauce: «Ceux qui méprisent la France, ceux qui la haïssent ne sont pas obligés de rester». Quand il se radoucit, ça donne: «L’immigration, c’est la France dans trente ans. Si on n’explique pas aux futurs Français ce que c’est que l’identité française, il ne faut pas s’étonner que l’intégration ne marche pas.»

Le raccourci énoncé comme logique par Sarkozy n’était évidemment pas de nature à rassurer les historiens. Certains d’entre eux lancent le 13 mars 2007 une pétition dans Libération: «Chaque fois qu’on a prétendu poser les problèmes sociaux en fonction de l’obsession de la pureté des origines, cela a abouti à de graves crises, à un recul de la démocratie», mettent en garde les signataires. La polémique se poursuivra après l’élection, avec la démission, en juin, de huit historiens de la Cité nationale de l’histoire et de l’immigration.

Premier à détenir le portefeuille incriminé, le très sarkozyste Brice Hortefeux tente de rassurer dans une tribune à Libération, le 22 juillet 2007: «L’identité nationale n’est pas figée, bien au contraire, et la promotion de notre identité ne révèle strictement aucune hostilité à l’égard des immigrés. Loin de considérer l’immigration comme un problème en soi, nous pensons même que c’est la référence à l’identité nationale qui donne du sens à l’immigration et qui permet l’intégration.» Avant de brandir aussi l’identité nationale comme un «rempart contre le communautarisme» et l’incarnation «des valeurs qui nous dépassent».

Le français, «ciment» de l’identité

Quelles valeurs ? Certaines envolées n’aident pas à y voir plus clair. Sarkozy, à Caen toujours, tentait une définition: «La France, ce n’est pas une race, pas une ethnie. La France, c’est tous les hommes qui l’aiment, qui sont prêts à défendre ses idées, ses valeurs.» L’actuel ministre de l’Immigration, Eric Besson, au Sénat, mardi dernier, restait aussi dans le flou: «L’identité nationale n’est pas une honte. Car c’est d’abord l’identité républicaine, c’est l’histoire de citoyens.» Mais encore?

Ici et là, Sarkozy, pendant sa campagne, avait égréné quelques critères. La langue d’abord: «Le français est un ciment, le français est une culture, une manière de penser, une forme de résistance à l’uniformisation du monde.» Une liste de valeurs, ensuite, «pas négociables»: «La laïcité, l’égalité homme-femme, la République et la démocratie.»

Six mois après la présidentielle, Sarkozy, dans son controversé discours de Latran, mettra aussi à l’honneur les «racines chrétiennes»: «Arracher la racine, c’est perdre la signification, c’est affaiblir le ciment de l’identité nationale», avertira-t-il. Une image revient d’ailleurs régulièrement, celle du «long manteau d’églises et de cathédrales qui recouvre notre pays». Définition élastique, d’un ministère extrêmement décrié à une France de carte postale.

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