La faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers le 15 septembre 2008 – la plus grosse faillite enregistrée par un établissement financier dans l’histoire des Etats-Unis – est considérée comme le point de départ d’une crise financière mondiale. Dix ans après l’onde de choc qui avait ébranlé les places boursières mondiales, les journalistes reviennent sur les effets politiques de la crise.
Les simples citoyens se sentent lésés
Si la croissance est de retour, les effets de la crise se font ressentir partout, souligne La Vanguardia :
«La dette publique mondiale a plus que doublé et s’élève désormais à 60 000 milliards de dollars ; idem pour la dette privée, qui atteint les 66 000 milliards. Il existe donc un risque permanent de nouveau krach. … Les banques et les multinationales enregistrent à nouveau des profits depuis des années, mais dans la plupart des Etats, la sortie de crise a été nationalisée, c’est-à-dire qu’elle est assurée par les contribuables. La colère que ce procédé a suscité, ainsi que le sentiment de duperie collective éprouvé par les classes moyennes et ouvrières, expliquent les changements au niveau politique : le renforcement des mouvements populistes, à gauche comme à droite, ainsi que la recrudescence du nationalisme.»
La crise financière a produit Trump et le Brexit
Il n’est pas surprenant que de larges pans de la population se soient détournés des élites dans de nombreux pays, juge également Financial Times :
«Les coûts ont en grande partie été assumés par ceux qui étaient le moins en mesure de les supporter. La consolidation financière a davantage reposé sur la réduction des dépenses publiques que sur les hausses d’impôts. En Grande-Bretagne, le ministre des Finances de l’époque, George Osborne, a eu recours dans 80 pour cent des cas à des mesures d’austérité. … Les ‘classes laborieuses’, tant chéries par les politiques quand ils ont besoin de voix, en ont fait les frais. … Peut-on s’étonner que les Américains blancs issus de la classe ouvrière, qui ont perdu des emplois jadis garantis, soutiennent aujourd’hui Donald Trump ? Ou bien que ce même groupe démographique ait été favorable au Brexit en Grande-Bretagne ?»
La gauche a laissé passer une chance historique
The Guardian déplore que le système capitaliste néolibéral, à l’origine de la crise financière, en soit ressorti quasi indemne :
«Le secteur bancaire n’a jamais été démantelé, le projet de taxation des transactions financières moisit au fond d’un placard et si les politiques ont évoqué l’idée d’un ‘new deal’ pour le climat, ils se sont hâtés de faire machine arrière. Il n’y a jamais eu de véritable renoncement au dogme dominant, juste une timide initiative qui a tourné court. L’amère vérité, c’est que la gauche a eu sa chance mais l’a galvaudée.»
The Guardian
Le péril italien
C’est en Italie que la prochaine crise financière risque de se déclarer, prévient Die Presse :
«Si les primes de risque continuent d’augmenter en raison du manque de discipline budgétaire, les coûts de refinancement, de par des cycles obligataires écourtés, connaîtront une hausse rapide et drastique. Les experts ont récemment estimé qu’en raison de la hausse des taux, le service de la dette pourrait s’élever à 150 pour cent du PIB dans les cinq prochaines années, même dans l’hypothèse d’une bonne croissance économique. Des chiffres de l’ordre de grandeur de la crise grecque, et qui sont susceptibles de mener, de manière tout à fait plausible, à un évènement de crédit. Quoi qu’il en soit, le gouvernement prépare déjà la population à des difficultés prévisibles : plusieurs membres du cabinet ont en effet récemment mis en garde contre de potentielles ‘attaques’ des marchés financiers contre le pays. Une fois de plus, on rejette préventivement la faute sur les autres.»
Le pire est encore à venir
Kathimerini estime également qu’il faut s’attendre à de nouveaux problèmes :
«Ces dix dernières années, de nombreux acquis que l’on croyait intangibles dans l’Occident développé ont perdu de leur validité, tandis que des choses que l’on croyait inconcevables font désormais partie du quotidien. … Le plus effrayant, c’est que nous n’en sommes qu’au début. La concurrence avec les pays asiatiques émergents ne fera que s’accentuer. Les technologies de la ‘quatrième révolution industrielle’ généreront des changements considérables mais difficiles à maîtriser au quotidien et au travail. Les démagogues d’aujourd’hui paraîtront rationnels et circonspects comparés à ceux qui leur succèderont. Les dix prochaines années pourraient être bien pires encore.»