Avec « Vers la lumière», sorti cette semaine, la réalisatrice japonaise Noami kawase signe un film d’une grande maturité. Un film intimiste qui ouvre les horizons du sensible et évoque des zones peu connues de l’art cinématographique
Lors de sa projection à Cannes dans la catégorie Un Certain Regard, le film de Naomi Kawase a reçu un accueil plutôt froid de la critique sans doute lié à la dimension expérimentale et sans concession dans laquelle nous entraîne le film de la réalisatrice japonaise. Naomi Kawase livre pourtant dans son dernier opus une représentation inédite et poétique du 7e art.
Avec Vers la lumière, Naomi Kawase porte à l’écran un métier peu connu pour la première fois traité au cinéma, celui d’auteur d’audodescription. Le métier d’autodescripteur permet de rendre accessibles des films, des spectacles ou des expositions aux personnes aveugles ou malvoyantes grâce à un texte en voix off qui décrit les éléments visuels de l’œuvre. Métier que la réalisatrice, de longue date captivée par les différents modes narratifs, a découvert lors de l’adaptation de son dernier film, Les délice de Tokyo.
Au début du film, on découvre, Misako, une jeune femme passionnée par son travail qui aime décrire les objets, les sentiments et le monde qui l’entoure. Pourquoi faisons nous toujours un focus sur quelque chose face à un champs de vision très large ? Lors d’une séance de travail Misako se trouve mise à l’épreuve par Nakamori un photographe dont la vue se détériore irrémédiablement. Naissent alors des senti- ments forts entre un homme qui perd la lumière et une femme qui la poursuit.
Avec ses relations aux images, au monde, à la mémoire… Naomi Kawase restitue à travers un montage non conventionnel tout un univers du sensible qui entoure l’histoire entre les deux personnages. Elle relève le défi de la parole, de la description de ce que l’on voit à l’écran par les mots. La bande son, signée Amin Maalouf est à la fois objective et subjective.
Un autre regard sur le cinéma
Partant de la cécité et de la transmission très profonde d’un récit aux non voyants on découvre l’amour des personnes privées de vue pour le cinéma. Le film éclaire aussi sur la perception d’un homme dévoré par les doutes et la peur d’entrer dans le néant, sans doute notre peur commune… L’amour des non voyants pour le cinéma la réalisatrice de Still the Water le partage. La place prépondérante qu’elle a souvent donné à la nature se déplace dans ce film vers les visages avec des gros plans sur les non voyants qui regardent.
La réalisatrice filme l’invisible pour exprimer ce que l’on ne voit pas. Vers la lumière est un film sur le cinéma, le rapport à l’image, sur la beauté, la spiritualité. « Il n’y a rien de plus beau que ce qui est en train de disparaître » souffle un vieux réalisateur à Nakamori dans une ultime mise en abîme. Un lien se tisse avec le spectateur et un autre entre le spectateur et le cinéma. Ce cinéma permettant d’arrêter la maladie pour nous faire exis- ter dans d’autres temporalités.
Jean-Marie Dinh
Source : La Marseillaise 12/01/2018