Sauramps.
Feu vert pour la librairie Sauramps qui ouvrira en août 2009 les portes d’un nouvel espace de 2 900 m2 au sein de la vaste zone de loisirs d’Odysseum. Le projet cible une clientèle plus importante et différente de celle du centre-ville. Pour faire face à cet enjeu de taille, l’entreprise inscrit son offre dans un univers ludique. « Il n’y aura pas de rayon sciences humaines qui conserve toute sa place au centre-ville, mais un rayon découverte du monde » illustre Jean-Marie Sevestre qui préside à la destinée du beau navire Sauramps.
Le concept se veut novateur. La mise en espace, confiée au cabinet MDR Architecte s’opérera sur deux niveaux. Elle privilégie un cheminement convivial au sein d’une offre culturelle de qualité, sélectionnée et diversifiée. L’entrée devrait abriter un espace presse et s’ouvrir sur un choix de nouveautés concoctées par des libraires. Le reste de l’espace sera divisé en plusieurs pôles, jeux, création, son, décoration, arts de la table… L’espace enfance occupera le centre de la librairie, les nouvelles technologies et le rayon régional tiendront toute leur place. Un espace Show case permettra de prolonger la politique de la maison qui conçoit le livre comme un lieu d’échange. Cette salle à taille humaine (une centaine de places) sera dédiée à l’accueil d’auteurs, aux concerts et à d’autres types de rencontres. L’investissement s’élève à 3 millions d’euros. Il permettra la création d’une cinquantaine d’emplois.
Genèse du projet
La nouvelle a « fuité » plus tôt que prévu. Si bien qu’à l’heure où les pelles mécaniques s’activent aux fondations, on spécule déjà sur la venue de Carla Bruni pour l’ouverture. L’équipe de direction gère la situation en gardant la tête froide.
L »idée a dix ans. Jean-Marie Sevestre, patron et défenseur engagé des librairies indépendantes, se laisse convaincre par Raymond Dugrand, alors adjoint à l’urbanisme, d’acter une candidature pour s’implanter au cœur du complexe de loisirs et de commerces. Pensé comme extension logique du centre-ville, le projet du centre commercial à l’américaine patine. Il faudra du temps pour lever les réticences cristallisées par la CCI et le Polygone. Avec le concours de l’actuelle maire de Montpellier, les choses entrent dans la complémentarité. Entre temps Sauramps, qui a rejoint le peloton de tête des librairies indépendantes françaises, doit envisager son développement. Elle joue désormais dans la cour des grands et doit faire face à la concurrence des grandes enseignes culturelles qui se partagent avec la grande distribution, 35% des ventes de livres. La librairie réussit sa diversification avec le succès de la papeterie Polymôme, et plus récemment avec l’ouverture d’un espace au Musée Fabre. En 2007 le CA de Sauramps pèse 23 millions d’euros.
L’implantation d’une librairie indépendante dans une zone commerciale de ce type est une première hors Paris. Face aux enseignes culturelles, le savoir-faire et la notoriété acquise ont joué en faveur de l’outsider. A qui revient désormais la difficile mission de tirer l’offre de culture au grand public par le haut.
Jean-Marie Dinh
Odysseum. L’entrée d’une librairie indépendante dans une zone commerciale répond à une demande de la clientèle.
De la passion au pays du pop-corn
Avec 68 000 titres parus en 2006, la vitalité de l’édition n’est plus à démontrer. Le secteur du livre, dit malade, enregistre tout de même une augmentation des ventes, même si l’embellie ne profite pas à tout le monde. Les grandes enseignes progressent ainsi que les grosses librairies. Mais la clientèle boude le réseau secondaire des petites librairies qui peinent à s’adapter au nouveau mode de consommation. En revanche, celles qui se modernisent en ciblant les bons créneaux, parviennent à tirer leur épingle du jeu. Dans ce contexte, l’implantation de Sauramps au pays du pop corn peut donner à réfléchir.
« Lors des premières rencontres avec Icade Tertial, (promoteurs d’Odysséum) j’avais un peu l’impression qu’ils nous rendaient des visites de courtoisie », indique Jean-Marie Sevestre. Jusqu’ici la surface financière des candidats l’emportait sur le contenu de la proposition. Ce système aboutit à une préoccupante normalisation de l’offre culturelle. « Les réseaux centralisent de plus en plus leurs achats alors que dans notre système les gens qui achètent se sont les libraires. »
Pour Odysséum c’est au final l’innovation qui a fait la différence. « Je pense que les gestionnaires répondent à une demande des gens qui en ont marre de trouver les mêmes enseignes partout. Aujourd’hui la clientèle des centres commerciaux souhaite y trouver des indépendants. » Les contraintes imposées par le bail, impliquent néanmoins un nouveau mode d’organisation, un risque aussi, dans le passage environnemental de la passion à la consommation.
« On entre dans un monde qui n’est pas le nôtre », confie Jean-Marie Sevestre avec un brin d’appréhension tout en étant décidé à y insuffler des idées nouvelles.
Jean-Marie Sevestre « on entre dans un monde qui n’est pas le notre. »