Avec
On passe d’une héroïne à l’autre, chacune dispose d’une voix intérieure et extérieure. L’auteur laisse le soin au lecteur de choisir son angle dans ce cocktail impressionniste. Le rythme de l’écriture à la fois lent et violent explore les instants d’une mue qui s’opère avec force détails, presque en temps réel.
Le récit se nourrit d’un coté sombre et captivant où la déchéance redoutée nourrit la stimulation. » Sur l’échelle de valeurs des gens honnêtes auxquels appartenait son mari, elle chuterait au-dessous du seuil tolérable. » La conscience qui respire dans la langue, côtoie la spontanéité.
A trente trois ans, Céline Curiol est certainement un des auteurs les plus prometteurs de sa génération. Remarquée par Paul Auster à New York où elle a vécu dix ans, elle se laisse guider par un désir de confrontation auquel elle se livre avec exigence et sincérité. » Comme l’ambiguïté devient pernicieuse lorsqu’elle est entretenue aux dépens de ceux que l’on est censé aimer ! «
Conscient ou pas, l’exil a toujours pour corollaire le courage. Celui d’une femme qui après s’être amarrée à son mariage s’en détache, comme on se détache de New York » où la régression est interdite « . Après y avoir vécu suffisamment pour le comprendre, l’écrivain vient de rejoindre Paris.
On retrouve dans ce quatrième livre le thème de la délivrance par l’écriture déjà présent dans son roman d’anticipation Permission. Miléna, jeune romancière, recherche courageusement une validité qui arrive comme une réponse impossible. Dans le triomphe de l’impuissance se niche un charme fragmenté. » Elle songea à un ruisseau glougloutant, paisible, entre les pierres : le cours de son existence, pas la moindre lame d’émotion dont se servir comme un tremplin. D’ailleurs, qu’avait-elle fait de sa journée ? «
Exil Intermédiaire s’inscrit comme un roman de transition géographique et personnel. Une sorte d’antidote au conformisme psychique, qui maintient en alerte.
Jean-Marie Dinh