Elle est considérée comme coupable d’introduire des éléments de désordre et de désorganisation idéologique. Cette femme, pourrait être toutes les femmes qui mesurent le temps qui passe, et s’interrogent sur leur destin, toutes les femmes qui se battent pour la survie de leurs capacités créatrices. Il s’agit d’Anna Akhmatova (1889-1966), la poétesse russe surnommée la reine de la Neva qui est à l’origine d’une œuvre majeure par l’émotion impétueuse qui la traverse comme par la lumière qu’elle a fait briller sur tous les artistes disparus dans l’ombre du stalinisme. Anne-Marie JeanJean signe aux éditions montpelliéraines, Les Cents Regards, un recueil « TOI, Elle, La seule » (1) qui lui rend hommage tout en donnant une nouvelle résonance au souci rongeur d’une artiste insoumise qui a su protéger sa liberté intérieure. L’ouvrage s’inspire du parcours douloureux de l’auteure russe interdite de publication en 1922 pour plus de trente ans. Il réactualise le combat contre l’apathie et le silence artistique dans un monde malade. Devant les invisibles rouages de mort et de décervelage qui se constituent et justifient le pessimisme des créateurs, Anne-Marie JeanJean transporte une voix nécessaire qui pointe « l’inhumaine normalisation le formatage forcené et amplifie les lèvres murmurantes des poètes qui « depuis les fosses communes d’un siècle à l’autre se raniment. » Le peintre Krochka accompagne le texte avec trois graphismes. Pourrait-on survivre à la Mort d’Anna Akhmatova ? » s’interroge l’auteure en s’adressant à tous ceux qui ont une conscience vivante et qui tremblent aujourd’hui.
Jean-Marie Dinh
1) « TOI, Elle, La seule » 25 euros à commander chez l’éditeur Editions Les Cent Regards 60 impasse Ermengarde 34090 Montpellier